A l’heure où les élections CSE vont être l’occasion de tester en réel le principe de représentation équilibrée F/H dans les listes électorales, qu’en est-il de l’égalité entre les femmes et les hommes au travail ?
Alors même que le principe d’égalité femmes/hommes est gravé dans la Constitution, la France demeure un mauvais élève. Et pourtant les salariés et partenaires sociaux disposent aujourd’hui d’un large arsenal juridique pour assurer son effectivité.
Jusqu’où devrons-nous aller, salariés, syndicats, avocats, élus, pouvoirs publics… pour rendre effective cette égalité ? Devons-nous suivre l’exemple islandais (cf. page 4) ? Comment, vous, représentants du personnel et salariés, pouvez-vous lui donner corps et réalité ? Et le nouveau plan d’action du gouvernement le permettra-t-il ?
Une chose certaine : l’égalité est l’affaire de tous !
Le principe d’égalité femmes-hommes, principe à valeur constitutionnelle, a fait l’objet de multiples lois.
L’inégalité femmes / hommes recouvre différentes réalités et ne se limite pas à la seule question de l’égalité de rémunération :
Les femmes sont ainsi cantonnées dans quelques familles d’emploi : elles représentent 98 % des aides à domicile, aide-ménagères et assistantes, 98 % des secrétaires et 90 % des aides-soignantes 2.
Cf Guide à destination des TPE-PME, Egalité femmes-hommes, mon entreprise s’engage, Laboratoire de l’Egalité
Dans ce cadre, les sanctions peuvent être :
Pénales
Le non-respect de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes est passible d’une amende de 1 500 € appliquée autant de fois qu’il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales (amende doublée en cas de récidive).
Civiles :
Toutefois, il existe trop peu de jurisprudence et de dossiers, la difficulté étant celle de la preuve.
Toutes les entreprises sont soumises à l’obligation de prendre en compte les objectifs d’égalité professionnelle hommes/femmes et de prévoir des mesures nécessaires pour y parvenir (art. L1142-5 Code trav.).
Analyse de la situation respective des hommes et des femmes pour chacune des catégories professionnelles sur 9 domaines-clés : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, santé/sécurité, rémunération effective et articulation entre activité professionnelle et vie personnelle. L’analyse doit également porter sur les écarts de salaire et l’évolution du taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise (art. L2323-8 Code trav.).
Bilan des actions de l’année écoulée, objectifs de progression pour l’année à venir, indicateurs de résultats, actions définies pour les atteindre et échéancier (art. R2323-9 Code trav.).
L’accord ou le plan d’action doit couvrir 3 des 9 domaines d’action pour les entreprises de moins de 300 salariés et 4 domaines d’action pour celles de plus de 300 salariés, la rémunération étant un domaine d’action obligatoire (art. R.2242-2 Code trav.).
Les entreprises qui ne respectent pas cette obligation encourent une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale (art. L.2242-9 Code trav).
L’obligation d’engager une négociation sur l’égalité professionnelle est impérative et se trouve regroupée avec la négociation sur la Qualité de Vie au Travail.
L’accord sur l’égalité professionnelle doit comporter un dispositif de suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes (art. L2242-15 Code trav.).
Dans son rapport de 2018, la DARES 6 :
Alors qu’ouvrières et employées (plus de 50% des femmes actives) ont des carrières plafonnées, des bas salaires, des horaires atypiques, une forte pénibilité (TMS), la DARES souligne que les femmes non cadres sont peu visées par les accords. Il en ressortirait un risque d’une « égalité élitiste ».
S’agissant des données chiffrées, 39% des accords ou plans d’action n’en comportent pas y compris pour des données de base (taux de féminisation, écart salarial moyen, rémunération hors primes ou hors dirigeants). La DARES en déduit qu’une appréhension statique et mathématique des écarts ne conduit pas toujours à une réflexion sur les mécanismes de discrimination indirecte sous-jacents et mal-connus.
Face à la persistance des inégalités, le gouvernement a décidé de la mise en œuvre d’un nouveau plan d’action pour l’égalité professionnelle. Deux mesures phares ont été intégrées dans le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » :
En cas d’inégalités constatées, l’entreprise devrait provisionner une enveloppe de rattrapage salarial en faveur des femmes pour résorber les différences discriminatoires. Son montant sera déterminé lors de la négociation collective sur l’égalité professionnelle.
En cas de non-conformité persistante en 2022, la sanction pourra aller jusqu’à 1% de la masse salariale.
La consultation annuelle du CE ou du CSE sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi intègre le thème de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (art. L2312-36 Code trav.). Aussi, des informations mises à disposition des élus dans ce cadre dans la BDES doivent permettre aux représentants du personnel et à l’employeur d’émettre un diagnostic et de dresser une analyse de la situation respective des femmes et des hommes, par catégories professionnelles, dans les 9 domaines-clés précités (C. trav., art. L. 2312-36).
Le CE doit d’autant plus veiller à ce qu’on lui communique ces informations qu’elles constituent la base sur laquelle les organisations syndicales pourront s’appuyer lors des négociations annuelles.
Que faire si l’employeur refuse de vous transmettre ces indicateurs ? L’Inspection du travail peut intervenir et en dernier recours le tribunal de grande instance. N’hésitez pas non plus à associer les membres de la Commission égalité professionnelle.
On connaissait déjà l’Islande pour la mise en place du congé parental « partagé » : 3 mois pour la mère, 3 mois pour le père, et 3 mois à se partager. Si le père ne prend pas les 3 mois de son congé paternité, aucun des deux parents ne peut prendre les 3 derniers mois.
L’Islande est allée plus loin dans sa quête de l’égalité et a ainsi adopté une loi entrée en vigueur au 1er janvier 2018 obligeant les entreprises de plus de 25 salariés et les administrations à obtenir une certification (renouvelée tous les trois ans) afin de prouver qu’à travail égal, elles versent le même salaire aux hommes et aux femmes. A défaut, l’employeur s’expose à une importante sanction financière. C’est donc sur l’employeur que repose la charge de la preuve consistant à démontrer le respect du principe d’égalité.
Sur le site Atlantes, vous trouverez une interview d’un expert de comités d’entreprise en charge de ces thèmes.
Laurence Chaze, Avocat Bureau ATLANTES de Marseille / Helène DUPERRAY, Juriste Bureau ATLANTES de Marseille
1 Source : Insee, DADS 2014, Salaires dans le secteur privé selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle en 2013
2 Source : Insee, enquête Emploi 2014 et retraitement Dares / Champ : France métropolitaine
3 Sources : Insee, 2012 et Observatoire des inégalités, 2009
4 Source : Dares, 2013
5 Source : Cese, 2013
6 « L’égalité professionnelle est-elle négociable ? Enquête sur la qualité et la mise en œuvre d’accords et de plans égalité femmes-hommes élaborés en 2014 et 2015 »
A l’heure où les élections CSE vont être l’occasion de tester en réel le principe de représentation équilibrée F/H dans les listes électorales, qu’en est-il de l’égalité entre les femmes et les hommes au travail ?
Alors même que le principe d’égalité femmes/hommes est gravé dans la Constitution, la France demeure un mauvais élève. Et pourtant les salariés et partenaires sociaux disposent aujourd’hui d’un large arsenal juridique pour assurer son effectivité.
Jusqu’où devrons-nous aller, salariés, syndicats, avocats, élus, pouvoirs publics… pour rendre effective cette égalité ? Devons-nous suivre l’exemple islandais (cf. page 4) ? Comment, vous, représentants du personnel et salariés, pouvez-vous lui donner corps et réalité ? Et le nouveau plan d’action du gouvernement le permettra-t-il ?
Une chose certaine : l’égalité est l’affaire de tous !
Le principe d’égalité femmes-hommes, principe à valeur constitutionnelle, a fait l’objet de multiples lois.
L’inégalité femmes / hommes recouvre différentes réalités et ne se limite pas à la seule question de l’égalité de rémunération :
Les femmes sont ainsi cantonnées dans quelques familles d’emploi : elles représentent 98 % des aides à domicile, aide-ménagères et assistantes, 98 % des secrétaires et 90 % des aides-soignantes 2.
Cf Guide à destination des TPE-PME, Egalité femmes-hommes, mon entreprise s’engage, Laboratoire de l’Egalité
Dans ce cadre, les sanctions peuvent être :
Pénales
Le non-respect de l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes est passible d’une amende de 1 500 € appliquée autant de fois qu’il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales (amende doublée en cas de récidive).
Civiles :
Toutefois, il existe trop peu de jurisprudence et de dossiers, la difficulté étant celle de la preuve.
Toutes les entreprises sont soumises à l’obligation de prendre en compte les objectifs d’égalité professionnelle hommes/femmes et de prévoir des mesures nécessaires pour y parvenir (art. L1142-5 Code trav.).
Analyse de la situation respective des hommes et des femmes pour chacune des catégories professionnelles sur 9 domaines-clés : embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, santé/sécurité, rémunération effective et articulation entre activité professionnelle et vie personnelle. L’analyse doit également porter sur les écarts de salaire et l’évolution du taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise (art. L2323-8 Code trav.).
Bilan des actions de l’année écoulée, objectifs de progression pour l’année à venir, indicateurs de résultats, actions définies pour les atteindre et échéancier (art. R2323-9 Code trav.).
L’accord ou le plan d’action doit couvrir 3 des 9 domaines d’action pour les entreprises de moins de 300 salariés et 4 domaines d’action pour celles de plus de 300 salariés, la rémunération étant un domaine d’action obligatoire (art. R.2242-2 Code trav.).
Les entreprises qui ne respectent pas cette obligation encourent une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 1% de leur masse salariale (art. L.2242-9 Code trav).
L’obligation d’engager une négociation sur l’égalité professionnelle est impérative et se trouve regroupée avec la négociation sur la Qualité de Vie au Travail.
L’accord sur l’égalité professionnelle doit comporter un dispositif de suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes (art. L2242-15 Code trav.).
Dans son rapport de 2018, la DARES 6 :
Alors qu’ouvrières et employées (plus de 50% des femmes actives) ont des carrières plafonnées, des bas salaires, des horaires atypiques, une forte pénibilité (TMS), la DARES souligne que les femmes non cadres sont peu visées par les accords. Il en ressortirait un risque d’une « égalité élitiste ».
S’agissant des données chiffrées, 39% des accords ou plans d’action n’en comportent pas y compris pour des données de base (taux de féminisation, écart salarial moyen, rémunération hors primes ou hors dirigeants). La DARES en déduit qu’une appréhension statique et mathématique des écarts ne conduit pas toujours à une réflexion sur les mécanismes de discrimination indirecte sous-jacents et mal-connus.
Face à la persistance des inégalités, le gouvernement a décidé de la mise en œuvre d’un nouveau plan d’action pour l’égalité professionnelle. Deux mesures phares ont été intégrées dans le projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » :
En cas d’inégalités constatées, l’entreprise devrait provisionner une enveloppe de rattrapage salarial en faveur des femmes pour résorber les différences discriminatoires. Son montant sera déterminé lors de la négociation collective sur l’égalité professionnelle.
En cas de non-conformité persistante en 2022, la sanction pourra aller jusqu’à 1% de la masse salariale.
La consultation annuelle du CE ou du CSE sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi intègre le thème de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (art. L2312-36 Code trav.). Aussi, des informations mises à disposition des élus dans ce cadre dans la BDES doivent permettre aux représentants du personnel et à l’employeur d’émettre un diagnostic et de dresser une analyse de la situation respective des femmes et des hommes, par catégories professionnelles, dans les 9 domaines-clés précités (C. trav., art. L. 2312-36).
Le CE doit d’autant plus veiller à ce qu’on lui communique ces informations qu’elles constituent la base sur laquelle les organisations syndicales pourront s’appuyer lors des négociations annuelles.
Que faire si l’employeur refuse de vous transmettre ces indicateurs ? L’Inspection du travail peut intervenir et en dernier recours le tribunal de grande instance. N’hésitez pas non plus à associer les membres de la Commission égalité professionnelle.
On connaissait déjà l’Islande pour la mise en place du congé parental « partagé » : 3 mois pour la mère, 3 mois pour le père, et 3 mois à se partager. Si le père ne prend pas les 3 mois de son congé paternité, aucun des deux parents ne peut prendre les 3 derniers mois.
L’Islande est allée plus loin dans sa quête de l’égalité et a ainsi adopté une loi entrée en vigueur au 1er janvier 2018 obligeant les entreprises de plus de 25 salariés et les administrations à obtenir une certification (renouvelée tous les trois ans) afin de prouver qu’à travail égal, elles versent le même salaire aux hommes et aux femmes. A défaut, l’employeur s’expose à une importante sanction financière. C’est donc sur l’employeur que repose la charge de la preuve consistant à démontrer le respect du principe d’égalité.
Sur le site Atlantes, vous trouverez une interview d’un expert de comités d’entreprise en charge de ces thèmes.
Laurence Chaze, Avocat Bureau ATLANTES de Marseille / Helène DUPERRAY, Juriste Bureau ATLANTES de Marseille
1 Source : Insee, DADS 2014, Salaires dans le secteur privé selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle en 2013
2 Source : Insee, enquête Emploi 2014 et retraitement Dares / Champ : France métropolitaine
3 Sources : Insee, 2012 et Observatoire des inégalités, 2009
4 Source : Dares, 2013
5 Source : Cese, 2013
6 « L’égalité professionnelle est-elle négociable ? Enquête sur la qualité et la mise en œuvre d’accords et de plans égalité femmes-hommes élaborés en 2014 et 2015 »
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