Actus d’Atlantes

L’allongement du congé paternité, une avancée sociale à relativiser

Depuis le 1er juillet 2021, la durée du congé de paternité est portée de 11 à 25 jours.

Premièrement, il convient de s’interroger sur la structure de ce nouveau congé paternité. En effet, le congé comporte 2 périodes distinctes : une période obligatoire de 4 jours calendaires prise immédiatement après la naissance de l’enfant (suite au congé de naissance de 3 jours) et une période facultative de 21 jours calendaires. Le congé peut être fractionné, le congé doit alors être pris en 2 périodes d’une durée minimale de 5 jours pour chaque période.

Vous remarquerez deux choses, la première étant qu’il s’agit d’un décompte en jours calendaires donc cela comprend tous les jours de la semaine, ce qui fait une période inférieure à 4 semaines.

La deuxième étant que la plus longue période composant ce nouveau congé (21 jours) est facultative, ce qui, d’une part n’est pas très incitatif et d’autre part, ouvre la porte à des pressions exercées par l’employeur pour éviter que les pères l’utilisent. A partir du moment où il s’agit d’une option, c’est conceptuellement envisagé comme discutable.

 

Deuxièmement, une mise en perspective s’impose, à l’heure où le gouvernement se glorifie d’une « avancée sociale majeure », les comparaisons internationales montrent que la durée du congé paternité français est courte. La Norvège a été le premier pays à introduire 15 ou 19 semaines (sous forme de quota paternel dans le cadre du congé parental : la mère dispose de 15/19 semaines de congé, puis le couple peut décider comment partager les 16/18 semaines restantes). En Finlande, le gouvernement a annoncé le 5 février 2020 l’intention d’allonger le congé de paternité, qui atteint la durée de 7 mois.

Troisièmement, il convient de comparer ce nouveau dispositif avec les propositions qui ont été faites par la commission des 1000 premiers jours rendu en septembre 2020, juste avant l’annonce de ce nouveau congé et la différence entre les propositions faites par ces experts et l’article 73 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale est édifiant.

En effet, dans son rapport, les experts préconisaient :

  • « Un allongement du congé paternité (ou second parent) à 9 semaines »
  • « Un congé « parental » de 9 mois (36 semaines) partageable entre les deux parents, avec un niveau d’indemnisation suffisamment attractif, qui correspondrait à un montant minimum de 75% du revenu perçu quel que soit le statut. Cela permettrait à l’enfant de rester avec l’un ou l’autre de ses parents pendant toute la première année et d’intégrer ainsi un système d’accueil formel à 1 an. »[1]

 

De ce rapport et de l’engagement du Ministère des Solidarités et de la Santé de « Veiller à ce que chaque enfant puisse s’éveiller et s’épanouir dans les meilleures conditions […]  », le gouvernement n’a acté d’utile que de proposer un congé paternité de 4 semaines et de ne rien modifier à la durée du congé maternité et du congé parental d’éducation.

Alors même qu’ « il est bien établi que la durée du temps partagé par les parents et l’enfant fait partie des éléments déterminants de la qualité de l’attachement qui, à son tour, assure la base pour un développement harmonieux.  »

La durée de ces congés n’est pas seulement la question de la place de la parentalité dans notre société mais aussi une question de santé publique (sécurité affective ayant un impact majeur sur le développement de l’enfant et son bien être futur ; dépressions post-partum des mères qui nécessitent parfois suivi psychologique, arrêt de travail et traitement médicamenteux) et d’égalité hommes-femmes.

Comment peut-on se prévaloir d’une « nouvelle avancée en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes »[2] tant qu’on ne donnera pas aux hommes la même possibilité de s’occuper de leur foyer ?

Les pouvoirs politiques pourront prétendre changer les choses et viser l’égalité hommes/femmes lorsqu’ils créeront un congé deuxième parent obligatoire, égal au congé maternité et qu’ils prendront conscience de l’importance de laisser le temps aux familles de trouver leur nouvel équilibre avant de reprendre le chemin du travail.

Alison VILLIERS - Juriste/ Atlantes région-ouest 


[1] Rapport de la commission des 1000 premiers jours par le Ministère des solidarités et de la santé, septembre 2020

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