Actus d’Atlantes

Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie : condamnation de l’Etat par la Cour administrative d’appel de Versailles

Tel un marronnier de mauvaise presse, la question de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie revient fréquemment en fin de période estivale.

Cette redondance thématique trouve son origine dans la lenteur de la France à adapter notre législation interne à la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

Pour rappel, à date, sauf pour les périodes assimilées à du temps de travail effectif par la loi ou par une disposition conventionnelle, les absences pour maladie non professionnelle n’entrainent pas acquisition de congés payés.

Pour autant, ce principe posé par l’article L3141-5 du Code du travail est non conforme à l’article 7 de la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui prévoit que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins 4 semaines pour une période de référence complète, sans distinguer selon l’origine d’éventuelles absences

La Cour de cassation, de son coté, a pris une position stricte (Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285) et a refusé de reconnaître aux dispositions de cette directive un effet direct.

Pour autant, quand bien même les salariés ne peuvent se prévaloir devant les tribunaux d’une application directe de cette directive, il leur reste possible d’engager la responsabilité de l’Etat pour défaut de mise en conformité de notre droit national avec la directive européenne précitée.

C’est sur cet argumentaire que les syndicats CGT, FO et SUD ont récemment attaqué l’Etat et obtenu gain de cause devant la Cour administrative d’appel de Versailles (CAA Versailles, 17 juill. 2023, n°22VE00442).

Cette dernière reconnait ainsi aux organisations syndicales la capacité d’agir du fait d’un préjudice moral collectif des salariés qu’elles représentent et condamne l’État à leur verser la somme de 10 000 euros chacune.

La Cour considère par ailleurs que sont bien contraires à l’article 7 de la directive 2003/88/CE les dispositions du Code du travail qui n’assimilent pas à du travail effectif, pour la détermination de la durée des congés payés, les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause de maladie.

Précisons enfin, que cette décision s’inscrit dans la suite d’un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand sur le même sujet et pour lequel l’Etat avait déjà été condamné.

A cette occasion, le tribunal avait rappelé que la transposition en droit interne des directives européennes est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui revêt en outre le caractère d’une obligation constitutionnelle (TA Clermont-Ferrand, 6 avril 2016, n° 1500608).

Nous ne pouvons qu’espérer que cette décision entrainera une réaction du législateur et qu’il soit rapidement mis fin à plusieurs décennies de non-conformité au droit européen sur le sujet. 

 

Justin Saillard-Treppoz

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