Le Gouvernement décidait de publier, le jeudi 31 août 2017, 5 projets d’ordonnances portant respectivement sur :
Le contenu de ces ordonnances ne deviendra effectif que lorsque celles-ci auront fait l’objet d’une publication au Journal Officiel après le conseil des ministres prévu le 21 septembre 2017.
Nous consacrons ce numéro au projet de fusion des instances au sein du conseil social et économique (CSE).
Ilfaudra du temps pour mesurer les effets de ce tsunami législatif, mais l’on peut d’ores et déjà penser que l’on ne s’y prendrait pas autrementsi l’on voulait museler les représentants des salariés dans les entreprises. Remplacement du CHSCT par une commission dans les seules entreprises de 300 salariés et plus ! Limitation du nombre de mandats !
Absence de participation des suppléants aux réunions plénières ! Financement partiel de certaines expertises par le budget de fonctionnement ! Absence de renforcement de la place des représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance !
Cela s’ajoute au fait que désormais les droits et prérogatives de l’instance peuvent faire l’objet d’une négociation.
Nous ne sommes pas loin de penser qu’à moyen terme de tels projets décourageront les candidatures au risque de voir la nouvelle instance fonctionner de manière erratique.
La vigilance s’imposera donc.
Nous consacrerons les 2 prochains numéros de la Plume aux autres ordonnances portant sur la Négociation et l’articulation Convention Collective/accord d’entreprise ainsi que sur ce qu’a appelé le Gouvernement la « Prévisibilité et la Sécurisation des relations de travail » qui emportent des modifications importantes dans la gestion et rupture du contrat de travail. Nous le verrons, les nouvelles règles ne sont pas si équilibrées que le Gouvernement nous l’a fait croire ! Et l’augmentation de l’indemnité de licenciement de 1/5 à 1/4 par année d’ancienneté n’est qu’une goutte d’eau.
Le tsumani est arrivé sur nos côtes !
par Olivier CADIC, Directeur département Conseil
Suivant l’article 38 de la Constitution, « Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. ».
Avant d’entrer dans le cœur des nouvelles mesures, nous avons tenu à faire un point sur ce processus qui consiste à faire la loi (presque) sans le Parlement.
Qu’est-ce qu’une loi d’habilitation ?
La loi d’habilitation, votée par le Parlement, fixe le cadre et les thèmes sur lesquels le Gouvernement peut prendre des ordonnances.
Quelle est la valeur d’une ordonnance ?
Aucune, tant qu’elle n’est pas publiée au JO (Journal officiel). Elle doit toutefois être ratifiée par le Parlement, ce qui lui confère alors valeur de loi.
Quand s’appliquent les ordonnances PUBLIÉES au Journal officiel ?
Dès la publication au JO, mais sous réserve de décrets si besoin.
D’après le calendrier tel qu’il a été fixé par la loi d’habilitation, les ordonnances devraient être ratifiées au plus tard fin décembre 2017, ce qui coïncide avec l’objectif du gouvernement d’une réforme effective au 1er janvier 2018...
Chloé RINO, Avocat
Le Comité social et économique(CSE) est mis en place dans les entreprises et établissements distincts d’au moins onze salariés.
Ses attributions varient selon la taille de l’entreprise :
Les membres de la délégation du personnel du CSE sont élus pour quatre ans et le nombre de mandats successifs est limité à trois (sauf si le protocole d’accord préélectoral prévoit le contraire).Les réunions du CSE sont organisées tous les mois dans les entreprises d’au moins 300 salariés et tous les deux mois dans les entreprises présentant un effectif inférieur.
Le CSE comprend :
En revanche, les suppléants ne participent plus aux réunions, sauf pour remplacer un titulaire absent. Autant dire que cela n’encouragera pas les vocations car le fait de ne participer à aucune réunion, ni préparatoire, ni plénière, ne permettra pas aux suppléants de s’impliquer dans les dossiers ; d’autant qu’il faudra, bien souvent, remplacer un titulaire au pied levé. C’est pratiquement impossible car mal vécu par les supérieurs hiérarchiques qui n’auront matériellement pas le temps nécessaire pour assurer le remplacement dans l’urgence de ces salariés et qui feront, donc, tout pour empêcher ceux-ci de quitter leur poste de travail.
Le crédit d’heures de délégation des membres titulaires du CSE sera fixé par décret et ne pourra être inférieur à 10 heures par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés et à 16 heures dans les autres entreprises.Par ailleurs, les modalités d’utilisation des heures de délégation sur une durée supérieure au mois seront définies par voie réglementaire. Enfin, un décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions dans lesquelles les membres titulaires pourront, chaque mois, répartir, entre eux et avec les membres suppléants, le crédit d’heures dont ils disposent.
Les décisions de l’employeur sont précédées par la consultation du CSE (sauf OPA). Les membres du CSE disposent à cet effet d’un délai d’examen suffisant, d’informations précises et écrites, de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations et de la possibilité de saisir le TGI lorsqu’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants.Un accord collectif ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le comité ou un décret en Conseil d’Etat, fixe les délais dans lesquels sont rendus les avis du comité.Dès lors que CE et CHSCT seront fusionnés et, partant du constat que la durée de la procédure du CE dépendait, entre autres, de la consultation ou non du CHSCT ou de l’ICCHSCT, la question se pose de savoir si le décret reprendra les dispositions antérieures à droit constant ou si cela ne sera pas l’occasion de réduire celles-ci encore un peu plus.
La suppression de l’actuelle disposition selon laquelle ce délai ne peut être inférieur à quinze jours interroge sur les intentions du Gouvernement concernant les délais de consultation de cette instance, de faire en sorte que cette instance soit consultée dans des délais très courts, conduisant celle-ci à ne pas être en capacité de disposer de suffisamment de recul et de compléments d’informations pour examiner les projets qui lui seront soumis.
Le CSE est consulté sur :
Alors que ces consultations étaient jusqu’à présent organisées annuellement, un accord d’entreprise ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le comité peut porter la périodicité des consultations récurrentes à 3 ans et définir par ailleurs le contenu, les modalités des consultations récurrentes ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations.
Il convient cependant de noter qu’en l’absence d’accord, la consultation sur la politique sociale de l’entreprise est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces derniers.
La BDES rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux consultations récurrentes que l’employeur met à la disposition du comité. Les consultations du CSE sur des événements ponctuels continuent de faire l’objet de l’envoi de ces rapports et informations.
Un article spécifique traite des consultations « ponctuelles » :
Attention
Cette énumération ne doit absolument pas être considérée comme limitative, les principes généraux d’information- consultation de l’instance concernant les projets concernant « la marche générale de l’entreprise » subsistant dans le texte relatif aux compétences et missions du CSE.
Une commission santé, sécurité et conditions de travail est créée au sein du comité :
Les membres de cette commission, au minimum trois, sont désignés parmi les membres titulaires ou suppléants de la délégation du personnel du comité.L’inspecteur du travail peut, dans les entreprises et établissements distincts de moins de 300 salariés, imposer la création d’une telle commission lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipement des locaux.
Les membres de cette commission ou, le cas échéant, les membres de la délégation du personnel du comité, bénéficient de la formation nécessaire à l’exercice de leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Leur financement est pris en charge par l’employeur.
A noter
La dénomination de la commission ne reprend pas le terme « hygiène ».- Dans les entreprises de moins de 300 salariés fonctionnant en DUP nouvelle version (CE/DP/CHSCT), le CHSCT disposait d’une place à part entière car il s’agissait d’une forme de cohabitation et non d’une fusion des instances. Ce n’est plus le cas avec le CSE. - Une rapide comparaison des textes actuels et futurs permet de constater que les attributions de la commission SSCT sont plus réduites que celles de l’actuel CHSCT.
1. Le CSE assure, contrôle ou participe à la gestion des activités sociales et culturelles (ASC) établies dans l’entreprise. Pour ce faire, l’employeur lui verse chaque année une contribution dont les modalités de calcul sont définies par accord d’entreprise. A défaut d’accord, le mode de calcul est identique à celui existant à ce jour et fonction de la masse salariale brute.
2. Pour assurer son propre fonctionnement, le CSE dispose d’un budget fixé comme suit :
La masse salariale brute, servant de base pour procéder à la détermination de ces budgets, est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale.Le comité peut décider à la fin de l’exercice, par une délibération, de transférer tout ou partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles et inversement, de ce dernier vers le premier.
Compte tenu de la pression particulièrement forte que peuvent exercer les salarié-e-s sur leurs représentants, soit pour pallier l’inexistence de budget dédié aux ASC dans de très nombreuses entreprises, soit pour combler l’atonie de politique salariale, la non rémunération des heures supplémentaires ou la suppression des primes de 13ème mois ou d’ancienneté, la tentation sera forte de procéder à une telle bascule et de vider ainsi le budget de fonctionnement au profit des ASC.
Rappelons à toutes fins utiles que :
Autant dire que, sans procéder à la suppression des IRP, le projet du Gouvernement opère de manière beaucoup plus subtile en organisant sa mise à mort cérébrale. Faute de moyens suffisants, les CSE, mis en place dans les petites structures risquent de ne plus pouvoir exercer utilement leur mission, si les moyens ne sont pas augmentés par accord !C’est antinomique avec la volonté de promouvoir le dialogue social dans toutes les entreprises. C’est accentuer encore un peu plus le fossé entre les salariés des petites structures et ceux des grandes entreprises. C’est contraire au nécessaire équilibre entre les parties, sauf à vouloir créer des tigres de papiers.
CSE et expertises : un droit inaccessible pour les plus pauvres à défaut d’accord
Le CSE peut décider de recourir à un expert dans le cadre des missions qui lui sont confiées.
Les frais d’expertise sont pris en charge :
Il peut par ailleurs faire appel à toute expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.Le fait de demander au CSE de financer une grande partie des expertises sur son budget de fonctionnement conduira certains à faire l’impasse sur ce droit consubstantiel à cette instance.Cela créera une véritable rupture d’égalité entre les directions, qui ne regarderont pas à la dépense pour se faire accompagner par leurs conseils dans la préparation de leurs projets, et les membres du CSE, qui devront se passer des clés de compréhension nécessaires à l’analyse de ces projets que peuvent leur apporter les experts.
La limitation du nombre de mandats, la réduction du nombre de réunions mensuelles, déjà à l’œuvre depuis 2015 dans les structures en DUP, et l’absence des suppléants à ces réunions nuiront durablement à la qualité des travaux confiés au CSE. Le CSE dans le libellé actuel des textes et à défaut de meilleurs accords, porte en lui la déliquescence du dialogue social, comme la nuée porte l’orage.Dès l’instant où les élus n’auront plus accès aux informations essentielles concernant la vie et l’évolution de l’entreprise et qu’ils ne seront pas en capacité de les restituer avec leurs propres mots aux salariés, il ne faudra pas exiger de ces derniers qu’ils adhèrent aux projets de l’entreprise. D’un dialogue social supposé « vertueux », le projet du Gouvernement propose une feuille de route destinée à servir un troupeau de moutons, si l’on n’y prend pas garde.
par Olivier CADIC, Directeur département Conseil
Les ordonnances viennent en complément des dispositifs mis en œuvre par les lois adoptées de 2013 à 2016 et nécessitent de disposer d’une bonne maîtrise théorique et pratique de celles-ci.
La phase d’appropriation de ces ordonnances, et dans quelques mois, des décrets et d’une éventuelle loi de ratification, s’avèrera donc particulièrement complexe et perturbante pour de multiples raisons :
par Olivier CADIC, Directeur département Conseil
Mise en place progressive du CSE entre la date de publication des ordonnances et le 31 décembre 2019 au plus tard sans qu’il soit possible ni d’aller au-delà de cette date, ni de maintenir par accord collectif les instances actuelles en l’état.
Les ordonnances ont été publiées le 23 septembre 2017 après la diffusion de notre plume de septembre. Des modifications et précisions importantes ont été apportées.
Olivier CADIC, Directeur département Conseil
Ces 5 dernières années ont été l’occasion pour le législateur de proposer un nouveau modèle d’organisation des instances représentatives du personnel. Le cap est maintenu dans les projets d’ordonnances du gouvernement. Avant d’aborder les nouvelles échéances, nous devons impérativement faire un point et informer sur les profonds bouleversements que vient de connaître le Code du travail suite des lois Rebsamen et El Khomri et qui sont et seront toujours d’actualité durant quelques années encore.
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