Nouvelles règles de procédure et de motivation du licenciement :
une sécurisation unilatérale pour l’employeur

Plusieurs dispositions des ordonnances visent à sécuriser les ruptures du contrat de travail et les contentieux.
A travers elles, l’ambition du gouvernement de « lever les freins au recrutement, en accroissant la prévisibilité
des décisions rendues et en sécurisant les entreprises, notamment les TPE-PME, au regard des risques liés à la
rupture du contrat de travail » (étude d’impact de la loi 2017-1340 du 15-9-2017 d’habilitation).
Ci-après les principales mesures crées par le gouvernement pour atteindre cet objectif de sécurisation des
licenciements.
Création de modèles de lettre de
notification du licenciement
Pour rappel, quel que soit l’effectif de l’entreprise, l’ancienneté
du salarié, ou le motif du licenciement, l’employeur qui décide
de procéder au licenciement du salarié doit impérativement
notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception
au salarié. Cette lettre doit être motivée, c’est-à-dire explicite
sur les motifs justifiant cette mesure.
Lorsque le motif dans la lettre est énoncé de manière imprécise
ou non matériellement vérifiable, le licenciement peut être jugé
sans cause réelle et sérieuse.
L’ordonnance 2017-1387 facilite la mise en oeuvre par l’employeur
de son obligation de motivation de la lettre de licenciement
en lui permettant de recourir à des modèles de lettre,
que le licenciement soit fondé sur un motif personnel (C. trav.
art. L. 1232-6 modifié) ou économique (C. trav. art. L. 1233-16 et
L. 1233-42 modifiés).
Ces modèles Cerfa, qui devraient faire l’objet d’une concertation
avec les partenaires sociaux avant leur adoption par décret
en Conseil d’Etat au plus tard au 1er janvier 2018, sont facultatifs
et ne sont à l’heure actuelle par encore disponibles.
L’introduction de ces modèles poursuit un objectif clair : celui de
limiter les risques d’insuffisance de motivation de la part des
employeurs, en sécurisant le développé du motif du licenciement,
et ainsi réduire les risques de contentieux. L’étude
d’impact précitée indique clairement et en toute transparence
que : « l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement
est un motif très souvent mis en avant par les salariés
dans les griefs justifiant la procédure contentieuse (…) Du côté
des employeurs, l’exigence de motivation détaillée est souvent
vécue comme très contraignante, et parfois trop formaliste, pas
assez liée au fond ».
Cette mesure va-t-elle ainsi conduire à une forme de
standardisation du notifié du licenciement ?
Par ailleurs, quel sera le degré de précision de ces modèles
au sujet du rappel des droits et obligations du salarié ?
Précision a posteriori des motifs
énoncés dans la lettre de
licenciement
Une fois le licenciement notifié au salarié, il n’était pas possible
pour l’employeur de revenir sur le contenu de la lettre de
notification a posteriori du licenciement.
Or, pour principe, les motifs invoqués dans la lettre de licenciement
lient l’employeur et le juge. En effet, en cas de litige,
l’employeur ne peut en invoquer de nouveaux, ni le juge en
examiner d’autres.
Désormais, les motifs contenus dans la lettre pourront être
précisés par l’employeur, soit de sa propre initiative, soit à la demande
du salarié, après la notification du licenciement. Les limites
du litige seront fixées après la version définitive de la lettre
de notification du licenciement (C. trav., art. L. 1235-2 modifié).
Si cette disposition inédite permettra d’une part à l’employeur
de corriger le tir en cas d’insuffisance de motivation, et d’autre
part, au salarié d’obtenir une clarification sur la motivation du
licenciement, il convient de se demander si les futurs modèles
de lettre de notification du licenciement indiqueront au salarié
le délai dans lequel il peut produire sa demande de précision…
A noter
Dans les projets d’ordonnance, il était initialement prévu de
pouvoir « compléter » les motifs de licenciement plutôt que de
les « préciser ».
L’insuffisance de motivation
ne conduit plus forcément à
un licenciement sans cause
réelle et sérieuse
Le défaut ou l’insuffisance de motif dans la lettre de licenciement
rendait automatiquement le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Désormais, les effets de la carence de motivation sont soumis
à conditions. En effet si le salarié ne demande pas à l’employeur
de préciser la lettre de licenciement, l’insuffisance de motivation
de la lettre de licenciement constatée ne privera pas, à elle seule,
le licenciement de cause réelle et sérieuse. Elle ouvrira seulement
droit pour le salarié à une indemnité d’au plus 1 mois de salaire.
Le délai applicable au salarié pour demander des précisions au
sujet de la motivation sera primordial, car plus court il sera, plus
il y aura de chance que le salarié ne le fasse pas et que soient
atténués les effets de l’insuffisance de motivation.
Ce nouveau principe aura-t-il pour effet de décourager un
salarié à agir au contentieux ? Observera-t-on une baisse du
contentieux sur ce sujet ? Sans aucun doute.
A noter
Si le licenciement est toutefois jugé sans cause réelle et sérieuse,
le préjudice résultant du vice de motivation sera réparé
par les dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse, versés en application du nouveau
barème d’indemnités prud’homales (au lieu d’une indemnité
pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au moins
égale aux salaires bruts des 6 derniers mois).
Une indemnité de licenciement
revalorisée et versée dès 8 mois
d’ancienneté
Alors que l’indemnité de licenciement était attribuée au salarié
justifiant d’au moins 1 an d’ancienneté, le gouvernement a choisi,
par décret, de réduire cette condition d’ancienneté à 8 mois.
Comme précédemment, c’est à partir de la date d’envoi de la
lettre de licenciement qu’il convient de calculer cette nouvelle
condition d’ancienneté.
Par ailleurs, le décret 2017-1398 du 25/09/2017 revalorise à la hausse
le montant de l’indemnité de licenciement (cf. tableau ci-dessous).
Ces nouvelles dispositions sont applicables aux licenciements,
mises à la retraite et ruptures conventionnelles prononcés ou
conclues à partir du 27 septembre 2017.

Anissa CHAGHAL, Juriste
Vers un renforcement de
la phase de conciliation
Il y a maintenant 2 ans, la loi dite « Macron » du 6 août 2015
avait largement réformé la procédure prud’homale dans un
souci d’accélération du règlement des litiges.
L’ordonnance reste dans le même esprit en encourageant un
peu plus encore la phase de conciliation auprès du Bureau de
Conciliation et d’Orientation (BCO).
Ainsi, deux nouveautés sont à noter, à savoir une probable
présence obligatoire des parties en BCO et l’absence de départage
en conciliation.
Vers une présence obligatoire en
conciliation ?
L’ordonnance a modifié l’article L. 1454-1-3 du Code du travail lequel
prévoit désormais que « Si, sauf motif légitime, une partie ne
comparaît pas, personnellement ou représentée selon des modalités
prévues par décret en Conseil d’Etat, le bureau de conciliation et
d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que
la partie comparante a contradictoirement communiqué. »
La nouveauté réside dans la fixation des modalités de représentation
par décret, à paraître.
Auparavant, il était fait application des modalités de représentation
fixées à l’article R. 1453-2 lequel prévoit une
représentation possible par un avocat, un salarié ou un employeur
appartenant à la même branche d’activité, un défenseur
syndical, le conjoint, partenaire de PACS ou concubin et
enfin par un membre de l’entreprise.
Si le décret n’est toutefois pas encore paru, il ressort du rapport
du Gouvernement relatif à l’ordonnance que le décret devrait
définir les modalités de présence obligatoire des parties ou leur
représentant pouvant être assimilé à la partie.
Cette modification a essentiellement pour objet de contraindre
les employeurs à être présents lors de la phase de conciliation,
ce qui est rarement le cas en pratique.
Absence de départage en
conciliation
Jusqu’à ce jour, en cas de partage des voix en BCO, l’affaire était
renvoyée en départage devant le même BCO, puis en bureau de
jugement avec une nouvelle possibilité de renvoi en départage.
Afin d’accélérer les procédures, l’ordonnance modifie donc l’article
L. 1454-2 permettant ainsi en cas de partage des voix en BCO
un renvoi direct devant le bureau du jugement présidé par un
magistrat du TGI.
Rod Maamria, Juriste
Quand la réparation devant le conseil de prud’hommes devient dissuasive… pour le salarié
Un délai de contestation harmonisé et revu à la baisse
Auparavant de deux ans dans la plus part des cas, le délai de contestation est désormais de 12 mois. Sont visées ici toutes
les demandes d’indemnités fondées sur une contestation de la
rupture du contrat de travail tant sur le fond que sur la forme.
A noter
Le délai de prescription court à compter de la notification de la
rupture et non plus à partir du moment où le salarié a connu ou aurait
dû connaître les faits lui permettant d’exercer sa contestation.
Planchers et plafonds pour
l’indemnisation du licenciement
sans cause réelle et sérieuse
Le juge prud’homal menotté
Comme un gout de « déjà vu ». La loi dite « Macron » du 6 août 2015 avait déjà tenté d’intégrer dans la loi un barème pour les
indemnités prud’homales. Le Conseil constitutionnel avait, à l’époque, censuré ce projet et la loi s’était contentée d’un barème
indicatif.
Apportant certaines modifications à l’idée de départ, il s’agit désormais
d’un véritable barème.
A noter
Le barème est également applicable aux résiliations judiciaires du
contrat aux torts de l’employeur et aux prises d’acte justifié
Le barème mis en place contraint désormais le juge qui doit s’y
conformer en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ce barème comprend des montants minimaux et maximaux
d’indemnisation en fonction de l’ancienneté du salarié (voir ci-dessous).

A titre d’exemple : alors que sous l’empire de la loi antérieure un
salarié bénéficiant d’au moins 2 ans d’ancienneté et travaillant
dans une entreprise d’au moins 11 salariés pouvait prétendre à un minimum de 6 mois de
salaire brut, ce minimum est réduit de moitié.
On peut également constater que les salariés ayant une ancienneté
importante se retrouvent rapidement limités.
Il ne fait nul doute qu’avec ce barème, le contentieux prud’homal
pourra être encore plus aisément planifié et intégré à la stratégie
de l’entreprise.
Des indemnités de licenciement qui
peuvent influencer le montant de
l’indemnité prud’homale
Le juge pourra désormais tenir compte des indemnités de licenciement
pour évaluer le montant de la réparation. S’il s’agit d’une
simple faculté, il y a tout de même fort à craindre qu’en cas d’indemnité
conventionnelle plus favorable, la réparation se trouve minorée.
Alors que ces deux indemnisations réparent des préjudices différents, on ne peut qu’être surpris par la nouvelle perméabilité de
ces deux notions.
Le licenciement « nul » tel que défini par
le Code du travail échappe au barème
Le barème n’est pas applicable aux licenciements nuls, le cas échéant, lorsque le salarié ne demande pas la réintégration ou
si celle-ci est impossible, le juge lui octroie une indemnité qui
ne peut être inférieure à 6 mois de salaires.
Le Code du travail liste désormais (article L.1235-3-1) les cas de
nullité ouvrant droit à cette indemnité.
A noter
Le barème s’applique aux licenciements « prononcés » à
compter du 24 septembre 2017. Il faut, à notre sens, considérer
qu’un licenciement est prononcé à compter de sa notification,
c’est-à-dire la date d’envoi de la lettre de licenciement.
Le non-respect des garanties
conventionnelles dans le
cadre d’une procédure de licenciement : désormais une
simple irrégularité de forme.
Nombreuses sont les conventions collectives qui ajoute à la procédure légale de licenciement des garanties supplémentaires : sanctions écrites préalables, saisine d’une commission paritaire, etc.
L’ordonnance abandonne ici une jurisprudence bien établie qui considérait que le non-respect de ces garanties conventionnelles
de fond rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Désormais, le non-respect de ces garanties fait courir à l’employeur le maigre risque de se voir condamner à des dommages et intérêts
à hauteur d’un mois de salaire.
Maxence DEFRANCE , Juriste