Certainement pas pour les salariés en l’état de la réforme en cours. Si sécurité et prévisibilité sont les maîtres mots des ordonnances du 22 septembre 2017, c’est clairement plus au bénéfice de l’employeur et au détriment des droits du salarié que l’inverse.
Il était déjà nettement plus complexe pour les salariés de saisir le Conseil de prud’hommes depuis l’été 2016 (au titre de la loi Macron d’août 2016, la saisine de la juridiction se fait via une requête motivée accompagnée des pièces justificatives, alors qu’avant un formulaire CERFA suffisait) ; la baisse du contentieux prud’homal d’au moins 30% est à ce titre symptomatique.
A présent, ce sont tout simplement les droits à faire valoir qui sont réduits.
La liste des modifications allant dans ce sens n’en est que trop longue : mise en place de modèles de lettre de licenciement, possibilité pour l’employeur de préciser les motifs du licenciement postérieurement à la lettre de licenciement, réduction du délai de prescription à 1 an pour contester son licenciement (pour mémoire, il était encore de 5 ans avant la réforme de juin 2013), instauration d’un barème des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, appréciation du motif économique de licenciement cantonné au territoire national, élargissement de la possibilité de licenciement avant transfert du contrat de travail, modification pérenne du contrat de travail par les nouveaux accords de fonctionnement …
N’en jetez plus !
On nous demande d’attendre les réformes à venir (assurance chômage, formation), l’équilibre n’étant possible que sur ces trois pieds…
Mais y a- t-il vraiment encore quelque chose à attendre ?
En attendant 2018 et son lot de nouvelles dispositions, toute l’équipe d’ATLANTES se joint à moi pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année !
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Diego PARVEX, Avocat Associé
Dans la droite ligne des précédentes réformes, l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail modifie les règles relatives au licenciement économique et, par voie de conséquence, impacter les dernières protections qui en découlaient.
En effet, deux points fondamentaux du droit applicable au licenciement économique sont touchés. D’une part, le contrôle de la justification et, plus précisément, le périmètre de ce contrôle et d’autre part, l’obligation de reclassement.
Si l’ordonnance ne supprime pas purement ces deux exigences, elle revient néanmoins sur leur contenu.
Une entreprise qui souhaite procéder à des licenciements pour motif économique doit toujours démontrer l’existence d’une cause économique.
Une des évolutions concerne le périmètre d’appréciation de ce motif économique.
Pour les entreprises ne faisant pas partie d’un groupe, l’ordonnance ne change rien, le motif économique continu de s’apprécier au niveau du périmètre global de l’entreprise.
Il n’est par exemple toujours pas possible d’apprécier le motif économique au niveau de l’établissement.
Par contre, pour les entreprises faisant partie d’un groupe international le changement est majeur.
En effet, jusqu’à aujourd’hui, la réalité du motif économique s’appréciait au niveau du groupe ou du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, sans qu’il y ait lieu de cantonner l’appréciation de la cause économique au périmètre national.
La récente ordonnance restreint drastiquement le périmètre d’appréciation de la cause économique en le cantonnant au territoire national.
Ainsi, « les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national » (C. trav., art. L. 1233-3)
Le périmètre d’appréciation du motif économique sera donc les entreprises ou le secteur d’activité commun aux entreprises du même groupe installées sur le territoire français.
Ne seront ainsi plus prises en compte les entreprises du même groupe installées à l’étranger.
L’ordonnance donne également une définition du secteur d’activité ; il est ainsi caractérisé « notamment par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et mode de distribution, se rapportant à un même marché ».
L’employeur qui envisage des licenciements économiques a toujours l’obligation de rechercher des possibilités de reclassement et de les proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé.
Toutefois, le nouvel article L. 1233-4 du Code du travail laisse le choix à l’employeur entre adresser de manière personnalisée les offres de postes ou diffuser « par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret ».
Cette modalité de diffusion pose question. En effet, si les offres de reclassement proposées au salarié restent « écrites et précises », dans la mesure où les employeurs auront la possibilité de transmettre les offres via une simple liste accessible sur l’intranet de l’entreprise, ces dernières ne seront plus personnalisées… Ce qui pose la question de l’inversion des obligations.
En effet, là où l’employeur devait proposer des offres de reclassement précises et personnalisées, il appartient désormais au salarié d’être proactif, de postuler pour son propre reclassement.
Précisons, enfin, que l’obligation de présenter au salarié qui en ferait la demande les postes de reclassement à l’étranger disparaît complètement. Nous retrouvons ici de la même logique que celle relative à l’appréciation du motif économique : à savoir, un cantonnement du dispositif au territoire national.
La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (loi Travail) permettait que les entreprises de 1000 salariés et plus (ou dans un groupe d’au moins 1000 salariés) puissent, dans le cadre d’un licenciement avec PSE, écarter l’obligation légale de transfert des contrats de travail prévue par l’article L.1224-1 du Code du travail.
Pour cela il fallait que le plan comporte, en vue d’éviter la fermeture d’un ou plusieurs établissements, le transfert d’une ou plusieurs entités économiques nécessaire à la sauvegarde d’une partie des emplois et que l’entreprise accepte une offre de reprise (C. trav., art. L. 1233-57-19).
Désormais, cette possibilité de procéder à des licenciements économiques en amont d’un transfert est élargie à toutes les entreprises de plus de 50 salariés.
Ainsi, aujourd’hui, une entreprise de 50 salariés voulant accepter une offre de reprise, pourra procéder au licenciement avant le transfert des salariés non repris par le cessionnaire, ce qui induira un transfert automatique des contrats pour les seuls salariés occupant les emplois non supprimés suite aux licenciements (C. trav., art. L. 1233-61).
Ces dispositions posent problème à notre sens et entraînent un risque non négligeable que le cessionnaire « choisisse » purement et simplement les salariés qu’il entend garder.
Précisons que ces dispositions s’appliquent aux procédures de licenciement économique engagées depuis le 24 septembre 2017.
Le délai de prescription des actions portant sur la rupture du contrat de travail a été réduit.
Désormais, pour toute action en contestation de la rupture du contrat de travail, l’action se prescrit par 12 mois.
Justin SAILLARD TREPPOZ, Juriste
Plusieurs dispositions des ordonnances visent à sécuriser les ruptures du contrat de travail et les contentieux.
A travers elles, l’ambition du gouvernement de « lever les freins au recrutement, en accroissant la prévisibilité des décisions rendues et en sécurisant les entreprises, notamment les TPE-PME, au regard des risques liés à la rupture du contrat de travail » (étude d’impact de la loi 2017-1340 du 15-9-2017 d’habilitation).
Ci-après les principales mesures crées par le gouvernement pour atteindre cet objectif de sécurisation des licenciements.
Pour rappel, quel que soit l’effectif de l’entreprise, l’ancienneté du salarié, ou le motif du licenciement, l’employeur qui décide de procéder au licenciement du salarié doit impérativement notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception au salarié. Cette lettre doit être motivée, c’est-à-dire explicite sur les motifs justifiant cette mesure.
Lorsque le motif dans la lettre est énoncé de manière imprécise ou non matériellement vérifiable, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse.
L’ordonnance 2017-1387 facilite la mise en oeuvre par l’employeur de son obligation de motivation de la lettre de licenciement en lui permettant de recourir à des modèles de lettre, que le licenciement soit fondé sur un motif personnel (C. trav. art. L. 1232-6 modifié) ou économique (C. trav. art. L. 1233-16 et L. 1233-42 modifiés).
Ces modèles Cerfa, qui devraient faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux avant leur adoption par décret en Conseil d’Etat au plus tard au 1er janvier 2018, sont facultatifs et ne sont à l’heure actuelle par encore disponibles.
L’introduction de ces modèles poursuit un objectif clair : celui de limiter les risques d’insuffisance de motivation de la part des employeurs, en sécurisant le développé du motif du licenciement, et ainsi réduire les risques de contentieux. L’étude d’impact précitée indique clairement et en toute transparence que : « l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement est un motif très souvent mis en avant par les salariés dans les griefs justifiant la procédure contentieuse (…) Du côté des employeurs, l’exigence de motivation détaillée est souvent vécue comme très contraignante, et parfois trop formaliste, pas assez liée au fond ».
Cette mesure va-t-elle ainsi conduire à une forme de standardisation du notifié du licenciement ? Par ailleurs, quel sera le degré de précision de ces modèles au sujet du rappel des droits et obligations du salarié ?
Une fois le licenciement notifié au salarié, il n’était pas possible pour l’employeur de revenir sur le contenu de la lettre de notification a posteriori du licenciement.
Or, pour principe, les motifs invoqués dans la lettre de licenciement lient l’employeur et le juge. En effet, en cas de litige, l’employeur ne peut en invoquer de nouveaux, ni le juge en examiner d’autres.
Désormais, les motifs contenus dans la lettre pourront être précisés par l’employeur, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié, après la notification du licenciement. Les limites du litige seront fixées après la version définitive de la lettre de notification du licenciement (C. trav., art. L. 1235-2 modifié). Si cette disposition inédite permettra d’une part à l’employeur de corriger le tir en cas d’insuffisance de motivation, et d’autre part, au salarié d’obtenir une clarification sur la motivation du licenciement, il convient de se demander si les futurs modèles de lettre de notification du licenciement indiqueront au salarié le délai dans lequel il peut produire sa demande de précision…
Le défaut ou l’insuffisance de motif dans la lettre de licenciement rendait automatiquement le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Désormais, les effets de la carence de motivation sont soumis à conditions. En effet si le salarié ne demande pas à l’employeur de préciser la lettre de licenciement, l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement constatée ne privera pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. Elle ouvrira seulement droit pour le salarié à une indemnité d’au plus 1 mois de salaire.
Le délai applicable au salarié pour demander des précisions au sujet de la motivation sera primordial, car plus court il sera, plus il y aura de chance que le salarié ne le fasse pas et que soient atténués les effets de l’insuffisance de motivation.
Ce nouveau principe aura-t-il pour effet de décourager un salarié à agir au contentieux ? Observera-t-on une baisse du contentieux sur ce sujet ? Sans aucun doute.
Alors que l’indemnité de licenciement était attribuée au salarié justifiant d’au moins 1 an d’ancienneté, le gouvernement a choisi, par décret, de réduire cette condition d’ancienneté à 8 mois.
Comme précédemment, c’est à partir de la date d’envoi de la lettre de licenciement qu’il convient de calculer cette nouvelle condition d’ancienneté.
Par ailleurs, le décret 2017-1398 du 25/09/2017 revalorise à la hausse le montant de l’indemnité de licenciement (cf. tableau ci-dessous). Ces nouvelles dispositions sont applicables aux licenciements, mises à la retraite et ruptures conventionnelles prononcés ou conclues à partir du 27 septembre 2017.
Anissa CHAGHAL, Juriste
Il y a maintenant 2 ans, la loi dite « Macron » du 6 août 2015 avait largement réformé la procédure prud’homale dans un souci d’accélération du règlement des litiges.
L’ordonnance reste dans le même esprit en encourageant un peu plus encore la phase de conciliation auprès du Bureau de Conciliation et d’Orientation (BCO).
Ainsi, deux nouveautés sont à noter, à savoir une probable présence obligatoire des parties en BCO et l’absence de départage en conciliation.
L’ordonnance a modifié l’article L. 1454-1-3 du Code du travail lequel prévoit désormais que « Si, sauf motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée selon des modalités prévues par décret en Conseil d’Etat, le bureau de conciliation et d’orientation peut juger l’affaire, en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqué. »
La nouveauté réside dans la fixation des modalités de représentation par décret, à paraître.
Auparavant, il était fait application des modalités de représentation fixées à l’article R. 1453-2 lequel prévoit une représentation possible par un avocat, un salarié ou un employeur appartenant à la même branche d’activité, un défenseur syndical, le conjoint, partenaire de PACS ou concubin et enfin par un membre de l’entreprise.
Si le décret n’est toutefois pas encore paru, il ressort du rapport du Gouvernement relatif à l’ordonnance que le décret devrait définir les modalités de présence obligatoire des parties ou leur représentant pouvant être assimilé à la partie.
Cette modification a essentiellement pour objet de contraindre les employeurs à être présents lors de la phase de conciliation, ce qui est rarement le cas en pratique.
Jusqu’à ce jour, en cas de partage des voix en BCO, l’affaire était renvoyée en départage devant le même BCO, puis en bureau de jugement avec une nouvelle possibilité de renvoi en départage. Afin d’accélérer les procédures, l’ordonnance modifie donc l’article L. 1454-2 permettant ainsi en cas de partage des voix en BCO un renvoi direct devant le bureau du jugement présidé par un magistrat du TGI.
Rod Maamria, Juriste
Auparavant de deux ans dans la plus part des cas, le délai de contestation est désormais de 12 mois. Sont visées ici toutes les demandes d’indemnités fondées sur une contestation de la rupture du contrat de travail tant sur le fond que sur la forme.
Le juge prud’homal menotté
Comme un gout de « déjà vu ». La loi dite « Macron » du 6 août 2015 avait déjà tenté d’intégrer dans la loi un barème pour les
indemnités prud’homales. Le Conseil constitutionnel avait, à l’époque, censuré ce projet et la loi s’était contentée d’un barème
indicatif.
Apportant certaines modifications à l’idée de départ, il s’agit désormais d’un véritable barème.
A titre d’exemple : alors que sous l’empire de la loi antérieure un salarié bénéficiant d’au moins 2 ans d’ancienneté et travaillant dans une entreprise d’au moins 11 salariés pouvait prétendre à un minimum de 6 mois de salaire brut, ce minimum est réduit de moitié. On peut également constater que les salariés ayant une ancienneté importante se retrouvent rapidement limités. Il ne fait nul doute qu’avec ce barème, le contentieux prud’homal pourra être encore plus aisément planifié et intégré à la stratégie de l’entreprise.
Des indemnités de licenciement qui peuvent influencer le montant de l’indemnité prud’homale
Le juge pourra désormais tenir compte des indemnités de licenciement pour évaluer le montant de la réparation. S’il s’agit d’une simple faculté, il y a tout de même fort à craindre qu’en cas d’indemnité conventionnelle plus favorable, la réparation se trouve minorée.
Alors que ces deux indemnisations réparent des préjudices différents, on ne peut qu’être surpris par la nouvelle perméabilité de ces deux notions.
Le licenciement « nul » tel que défini par le Code du travail échappe au barème
Le barème n’est pas applicable aux licenciements nuls, le cas échéant, lorsque le salarié ne demande pas la réintégration ou si celle-ci est impossible, le juge lui octroie une indemnité qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaires.
Le Code du travail liste désormais (article L.1235-3-1) les cas de nullité ouvrant droit à cette indemnité.
Nombreuses sont les conventions collectives qui ajoute à la procédure légale de licenciement des garanties supplémentaires : sanctions écrites préalables, saisine d’une commission paritaire, etc. L’ordonnance abandonne ici une jurisprudence bien établie qui considérait que le non-respect de ces garanties conventionnelles de fond rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Désormais, le non-respect de ces garanties fait courir à l’employeur le maigre risque de se voir condamner à des dommages et intérêts à hauteur d’un mois de salaire.
Maxence DEFRANCE, Juriste
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