Publications

Mars 2020

EDITO

A l’issue du processus législatif de création du CSE, deux députés se voyaient confier le soin de procéder à une évaluation de ce nouveau dispositif. Finalisé en juillet 2019, leur rapport ne sera ni publié, ni débattu. La raison officielle tient au fait que l’un d’entre eux devenait récemment le bras armé du gouvernement dans le délicat dossier des retraites. Faute de rapporteur, le document ne pouvait plus faire l’objet d’une adoption en commission des affaires sociales. Etait-il nécessaire de choisir celui-ci plutôt qu’un autre pour s’occuper des retraites ? La réforme des institutions représentatives du personnel ne constitue plus une priorité pour ce gouvernement ? De quoi ont-ils peur ? Pourquoi à ce point fuir le débat après le passage en force par ordonnances ?

Sans doute aurions-nous appris que dans bien des cas les réunions de CSE sont devenues lourdes et complexes !

Sans doute aurions-nous appris que l’absence des suppléants en réunion et la disparition des délégués du personnel a refroidi les ardeurs de bon nombre de candidats aux élections !

Sans doute aurions-nous appris que le dialogue social constitue pour bon nombre d’employeurs plus une contrainte qu’une opportunité !

Toutes choses que nous ne cessons de dire depuis 2017.

Toutes choses que le rapport de France Stratégie paru en décembre 2018 annonçait déjà. « Côté employeurs, le nouveau cadre imposé par les ordonnances a été bien reçu, et vu avant tout comme une possibilité de simplifier et de diminuer les coûts »*.

Il suffit de voir comment le ministère du travail tente de passer en force pour réduire les droits à formation des membres du CSE en matière de santé sécurité et conditions de travail. Ce sont les mêmes qui soutenaient que le CSE permettrait d’avoir une vision globale de l’entreprise y compris en matière de santé, sécurité et conditions de travail. Ce sont les mêmes qui désormais souhaitent ne réserver cette formation qu’aux seuls membres des commissions SSCT. Ce sont les mêmes qui ont fait en sorte que ce rapport finisse à la poubelle.

« L’hypocrisie est, chez une nation, le dernier degré du vice. C’est donc faire acte de citoyen que de s’opposer à cette tartuferie sous laquelle on couvre ses débordements » (BALZAC, Œuvres div., t. 1, 1830, p. 350)

Olivier CADIC, Directeur juridique assistance et conseil

 

*Évaluation des ordonnances relatives au dialogue social et aux relations de travail, Note d’étape sur les travaux du comité d’évaluation, France Stratégie, Déc. 2018 p.38

DANS L’ACTU

 

Conformément à l’article L.2242-17, 8° du Code du travail, depuis le 1er janvier 2020, la négociation obligatoire sur « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail » doit, dans les entreprises d’au moins 50 salariés et dont 50 salariés au moins sont employés sur un même site, porter en particulier sur :

1. Les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail, notamment :

  • en réduisant le coût de la mobilité ;
  • en incitant à l’usage des modes de transport vertueux.

2. La prise en charge de frais de carburant et de frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par les salariés :

  • dont la résidence habituelle ou le lieu de travail soit est situé dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier ou un service privé mis en place par l’employeur, soit n’est pas inclus dans le périmètre d’un plan de mobilité obligatoire (Voir article sur La Plume de mars 2019)
  • ou pour lesquels l’utilisation d’un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d’horaires de travail particuliers ne permettant pas d’emprunter un mode collectif de transport.

3. La prise en charge des frais engagés par les salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec :

  • un vélo personnel ;
  • ou un vélo personnel à assistance électrique ;
  • ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage  ;
  • ou en transports publics de personnes (bus, tram…), à l’exception des frais d’abonnement SNCF, RATP et des services publics de location de vélo (qui sont obligatoirement pris en charge à hauteur de 50% minimum) ;
  • ou à l’aide d’autres services de mobilité partagée (trottinettes, auto-partage…).

La prise en charge se fait sous la forme d’un « forfait mobilités durables  ». En fonction des critères définis dans l’accord, les salariés concernés pourront bénéficier d’une somme forfaitaire qui pourrait aller jusqu’à 400€/an/salarié (montant exonéré de charges sociales et fiscales). Les modalités de ce forfait sont encore à déterminer (décret à paraître).

Remarque : le bénéfice de cette prise en charge ne peut être cumulé avec celle prévue pour les transports publics de personnes (RATP, SNCF) ou de services publics de location de vélos (Velo’v, Bicloo,Velib, VeliGo…).
 

 Attention

A défaut d’accord sur ces mesures, les entreprises précitées doivent élaborer « un plan de mobilité employeur sur leurs différents sites pour améliorer la mobilité de leur personnel ». Ce « plan de mobilité employeur » doit inclure des dispositions concernant le soutien aux déplacements domicile-travail de leur personnel, notamment le cas échéant concernant la prise en charge de frais de transports personnels.

Le gouvernement effectuera un bilan des accords « mobilité » pris dans le cadre des négociations QVT dans les 18 mois après la promulgation de la loi. Il pourra prendre, à l’issue de ce bilan, une ordonnance permettant de définir les conditions de prise en charge par l’employeur des frais de transport.

Amélie KLAHR, Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France

QUESTIONS AJ DU MOIS

 

Les vacances scolaires et les jours fériés approchant, nous avons choisi, ce mois-ci, la thématique des congés payés.

Mon entreprise ferme au mois d’août en raison de contraintes de production. L’employeur veut nous imposer une prise de congés payés sur cette période. Peut-il le faire ?

L’employeur peut décider de fermer l’entreprise. Dans ce cas, les salariés partent en congés en même temps (ou en partie).

L’employeur n’a pas à motiver la raison de la fermeture. Il doit toutefois consulter le CSE au préalable (art. L. 2312-8 du Code du Travail).

En principe, l’employeur décide seul de la durée de fermeture. Toutefois, dès lors que la fermeture excède la durée des congés légaux annuels (soit 30 jours ouvrables), l’employeur est tenu de verser, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, une indemnité qui ne peut être inférieure à l’indemnité journalière de congés payés (art. L. 3141-31 du Code du Travail).

Que faire si les salariés n’ont pas acquis tous les congés nécessaires correspondant au nombre de jours de fermeture ?

Depuis le 1er juillet 2013, il n’y a plus lieu d’indemniser le salarié qui ne bénéficie pas d’un nombre de jours de congés payés suffisants pour couvrir la période de fermeture de l’établissement. Il pourrait donc être intéressant d’informer préalablement le salarié nouvellement embauché, notamment dans son contrat de travail.

A noter toutefois que le salarié peut bénéficier d’une aide financière versée sous certaines conditions par Pôle Emploi.

Mon employeur a modifié les dates des congés deux mois avant la date prévue. Peut-il le faire ?

De manière générale, l’employeur doit respecter les dates des congés. Toutefois, une modification est possible dès lors que ce dernier respecte certains délais :

  • Un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir les délais que doit respecter l’employeur s’il souhaite modifier l’ordre ou la date des départs (art. L. 3141-15 du Code du Travail) ;
  • A défaut d’accord, l’employeur ne peut pas modifier l’ordre et les dates moins d’un mois avant la date prévue du congé, sauf circonstances exceptionnelles (art. L. 3141-16 du Code du Travail).

Exemples : Commande inattendue et de nature à sauver l’entreprise (CA Chambéry 12-12-1985 n° 84-253 à 84-256) /Mise en redressement judiciaire de l’entreprise (CA Toulouse 12-7-1996 n° 95-1093) / Nécessité de remplacer un salarié brutalement décédé (Cass. soc. 15-5-2008 n° 06-44.354)

A défaut d’accord, le délai d’1 mois devra donc être respecté. C’est le cas dans votre situation.

Je suis à temps partiel (je ne travaille pas le mercredi). Je souhaite poser une semaine de congé, du lundi au dimanche. Comment mes congés seront-ils décomptés ?

Le salarié à temps partiel bénéficie des mêmes congés payés que le salarié à temps plein.

Les salariés à temps partiel qui travaillent sur 4 jours ou moins se voient appliquer la même règle de décompte que pour les salariés à temps complet. Comme pour les salariés à temps plein, la semaine compte 6 jours ouvrables, sauf jour férié.

Ainsi, dans le cas où le salarié ne travaille pas le mercredi et souhaite poser une semaine de congé, il doit poser 6 jours de congés (si le décompte se fait en jours ouvrables).

Auparavant, mes jours de congés étaient décomptés en jours ouvrables. La direction nous a informé de la volonté de les décompter en jours ouvrés. Suis-je perdant ?

Pour rappel, les jours ouvrables sont tous les jours de la semaine exceptés le jour de repos hebdomadaire (généralement le dimanche) et les jours fériés. Une semaine sans jour férié compte donc 6 jours ouvrables. Les jours ouvrés sont les jours où l’entreprise est ouverte.

En principe, le décompte des jours de congés est effectué en jours ouvrables. Il peut également être en jours ouvrés, à condition de ne pas léser le salarié. Ainsi, six jours ouvrables correspondent à cinq jours ouvrés.

La comparaison pour s’assurer qu’aucun salarié n’est lésé s’effectue globalement sur l’ensemble de la durée du congé et non pour les différentes périodes fractionnées. De plus, pour vérifier cette équivalence, il ne peut être tenu compte d’un congé d’une autre nature acquis par le salarié, même si ce congé est rémunéré (repos compensateur ou jour de réduction du temps de travail, par exemple).

Le salarié pourra contester le mode de calcul s’il établit que son droit à congés est en-dessous du nombre de jours prévus légalement. En effet, les salariés ne peuvent s’opposer à la transformation des jours ouvrables en jours ouvrés que si elle leur est défavorable.

Ainsi, si vous êtes lésé, une action est toujours possible. Toutefois, si vous n’avez aucun préjudice, vous ne pouvez pas vous opposer au changement de décompte des jours de congés.

Audrey LIOTÉ, Juriste - Atlantes Lyon/AURA

DANS L’ACTU

Créée en grande partie en réponse au mouvement des gilets jaunes qui aura marqué l’année 2019, la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat pourra être reconduite dans les entreprises françaises cette année.

Bilan sur la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat en 2019*
- Montant total des primes versés par les entreprises : 2,2 milliards d’euros 
- Montant moyen versé en 2019 : 400 euros 
- La prime a été versée dans 408 000 entreprises, soit 20% du secteur privé 
- 5,5 millions de salariés ont perçu la prime
* Chiffres annoncés par le Premier Ministre Edouard Philippe le 7 mai 2019.

Un cadre semblable à celui présenté en 2019…

Cette prime exceptionnelle pour l’année 2020 reprend plusieurs critères similaires à ceux établis lors de sa création l’année passée, notamment concernant les plafonds de rémunération et de versement :

  • Les salariés éligibles au versement doivent percevoir une rémunération brute inférieure à 3 SMIC, soit 4 563,66 € pour 2019 et 4 618,25 € pour 2020 ; 
    Attention, le texte fait référence à la rémunération perçue les 12 mois précédant le versement de la prime. Il faudra donc apprécier le plafond du SMIC pour 2019 et pour 2020.
  • Montant versé limité à 1 000 €, les sommes versées au-delà ne seront pas exonérées.
     

… mais néanmoins assorti de nouvelles conditions.

Le dispositif n’est toutefois pas reconduit à l’identique et le versement de cette prime « Macron » deuxième génération est accompagné de nouvelles conditions, la principale étant la mise en œuvre d’un accord d’intéressement.

 Point de vue Atlantes

Présenté dans l’instruction ministérielle du 15 janvier 2020 comme une mesure visant à encourager la négociation d’accord d’intéressement dans les entreprises, nombreux sont ceux à pointer du doigt ce nouveau critère comme un frein considérable au versement de la prime. Rappelons en effet que la mise en place d’un accord d’intéressement (à distinguer de la participation) n’est à aucun moment obligatoire pour l’employeur.

Ainsi, cette nouvelle exigence présentée comme un « coup de pouce » à l’intéressement pourrait finalement s’avérer être un obstacle au versement de la prime 2020 lorsque l’employeur ne souhaitera pas engager cette démarche de négociation.

Autre changement notable, les entreprises ont la possibilité de verser la prime entre le 28 décembre 2019 et le 30 juin 2020. Il reste donc plusieurs mois pour interpeller les directions et engager le dialogue sur le sujet.

Quel avenir pour la prime exceptionnelle d’activité ?

Une incertitude subsiste désormais pour l’avenir : le caractère pérenne ou non de cette mesure.

Doit-on s’attendre à ce qu’elle soit reconduite dans les années à venir ? La désignation de prime « exceptionnelle » nous conduit davantage à penser que la mise en œuvre de ce dispositif était justifiée par un contexte économique et social extrêmement sensible. La nouvelle condition de versement liée à l’accord d’intéressement semble d’ailleurs faire état d’une volonté de renvoyer vers les outils « classiques » pour négocier dans les entreprises en faveur du pouvoir d’achat (négociation obligatoire, épargne salariale, etc.)

Il est également important de rappeler, comme le mentionne très clairement l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, que le versement de la prime exceptionnelle ne doit pas se substituer à d’autres augmentations de rémunération qui seraient prévues par accord, contrat ou usage. Malgré cet avertissement, on pourrait toutefois légitimement craindre que le versement d’une prime exceptionnelle puisse ralentir l’effort des entreprises sur les sommes allouées aux augmentations de salaires pour les salariés si ce dispositif devait être reconduit. 

 

 En complément, sur notre site, l’actualité du 7 février 2020 : « Une instruction ministérielle apporte des précisions sur la prime Macron ».

DATATLANTES

L’article 49 alinéa 3 de la Constitution offre au Gouvernement la possibilité de faire adopter un projet de loi sans aucun vote de l’Assemblée nationale. Utilisée 89 fois depuis 1958, cette arme constitutionnelle permet à l’exécutif de réformer sans majorité à l’Assemblée.

Pour la réforme des retraites de 2020, le contexte est différent. En effet, Edouard Philippe justifie son recours au 49.3 pour « mettre fin à cet épisode de non-débat, d’un parlement privé de sa fonction éminente de faire la loi ».

Prétendre rendre sa fonction au Parlement en la lui retirant, il fallait oser !

Retour sur d’importantes réformes adoptées par un recours au 49.3

 

Malek SMIDA , Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France

DOSSIER SPECIAL

Dans une économie mondialisée, les salariés sont susceptibles de recevoir fréquemment des documents de l’étranger, surtout lorsque l’employeur, en France, est l’une des structures d’un groupe international.

La remise physique d’un document n’est d’ailleurs aujourd’hui plus une nécessité pratique puisque la mise à disposition peut se faire dans le cloud, via un lien internet. Il peut s’agir d’une charte éthique, des règles en matière de mobilité et de frais professionnels, ou encore de la détermination d’objectifs et de la rémunération variable.

Or, si la loi impose l’usage du français, elle ouvre également la porte à l’usage d’autres langues, sans qu’il s’agisse de la langue maternelle du salarié. Cette ouverture a été conçue à une époque où l’économie pouvait encore connaître des frontières. Aujourd’hui le risque de dérives est bien présent.

Des rappels s’imposent.

Un droit à l’usage du français en entreprise

L’obligation d’utiliser le français dans les relations professionnelles constitue une protection pour le salarié qui a le droit d’avoir des documents (contractuels, conventionnels, unilatéraux) rédigés dans une langue qu’il maîtrise. La loi dite « Toubon  » du 4 août 1994 énonce que le français est la langue du travail. De plus, pour toute une série de documents écrits, le Code du travail impose que la rédaction soit en français :

  • Le contrat de travail (art. L1221-3 du Code du travail)
  • Le règlement intérieur (art. L1321-6 du Code du travail)
  • Les offres d’emploi (art. L.5331-4 du Code du travail)
  • Conventions et accords collectifs (art. L.2231-4 du Code du travail)
  • Tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail (art. L1321-6 du Code du travail)
  • Les conventions et accords ainsi que les conventions d’entreprise ou d’établissement (art. L2231-4 du Code du travail)
  • La notice d’instruction des équipements de protection individuelle ainsi que les marques de repérage qui comportent des mots ou des phrases figurant sur ces équipements (annexe II à l’art. R4312-1 du Code du travail)
  • La notice qui accompagne toute machine ainsi que toute information et tout avertissement écrit ou verbal (annexe I à l’art. R4312-1 du Code du travail).

NB : le salarié étranger a le droit d’obtenir, à sa demande, une traduction du contrat de travail écrite dans sa langue maternelle. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoquée contre ce dernier.

L’appartenance à un groupe de dimension internationale : une exception à la règle ?

A ces règles, le Code du travail apporte certaines nuances. Il énonce en effet que l’usage du français n’est pas obligatoire s’agissant des « documents reçus de l’étranger ou à destination des étrangers » (art. L1321-6 du Code du travail).

La pratique de l’anglais dans les entreprises internationales est déjà une réalité, quelles en sont les limites ?

Le cas spécifique des compagnies aériennes : un impératif de sécurité impliquant l’usage d’une langue commune

La Cour d’appel de Versailles a considéré dans une décision rendue en 2006 (CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 2 mars 2006, no 05-01344) pour une entreprise chargée de la fabrication et de l’entretien de matériel utilisant la technologie des rayons X que devaient être traduits des documents techniques portant sur les produits fabriqués et présents sur le marché français afin de permettre une bonne exécution de leur travail. Elle indiquait également que le texte n’interdit pas l’usage simultané de la langue anglaise.

Interrogée dans le cadre spécifique des compagnies aériennes, la Cour de cassation a eu à se prononcer dans une décision rendue le 12 juin 2012 (10-25.822).

our elle, le caractère international de l’activité implique l’utilisation d’une langue commune, et de ce que pour garantir la sécurité des vols, il est donc exigé des pilotes, comme condition d’exercice de leurs fonctions, qu’ils soient aptes à lire et comprendre des documents techniques rédigés en langue anglaise.

On peut relever que la Cour ne se contente pas d’invoquer l’origine étrangère de la documentation, ni le caractère international de l’activité économique. Il faut en outre qu’une telle obligation de traduction soit elle-même porteuse d’un risque pour la sécurité des biens ou des personnes et que l’usage d’une langue étrangère constitue une obligation pour l’exercice de la profession.

 Point de vue Atlantes
Cette décision est intervenue dans un litige particulier au secteur du transport aérien et n’est pas applicable à toutes les entreprises.

Un outil de travail en Français : quid des logiciels ?

Si le Code du travail vise des « documents reçus de l’étranger » la question peut se poser de son application aux logiciels. A noter en premier lieu que pour le TGI de Nanterre (TGI Nanterre, 27 avr. 2007, no 07-01901), il s’agit là de documents immatériels. Elle précisait par ailleurs dans une affaire concernant des logiciels élaborés par une société du groupe dont le siège social était situé en France que cette exception à la règle ne trouvait pas à s’appliquer.

Pour le TGI de Cusset (19 déc. 2011, n°10/01538), l’employeur doit fournir une traduction des écrans des applications de ce logiciel (ici s’agissant d’un guide d’utilisation dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exécution de ses taches par le salarié). Les traductions étaient ici, souligne le tribunal, accompagnées de formations.

Dans un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 5 décembre 2012 (RG 12/03652), la Cour précise que la fourniture d’un outil de traduction des logiciels ne correspond pas aux exigences légales et impose donc à une entreprise la traduction en français des logiciels et de la documentation afférente.

 Conseil Atlantes

Il convient de se rappeler que l’enjeu est important : il s’agit de mettre le salarié en mesure de respecter les consignes de travail. A défaut, une éventuelle sanction voire un licenciement peuvent être encourus. Il convient donc, pour les représentants du personnel, de faire preuve de vigilance lors de la mise en place de telles outils avec des actions telles que : délimitation de l’utilisation du logiciel, mise en œuvre de formations adaptées, accompagnement technique, phases tests, etc.

Des objectifs professionnels fixés en Français

A ce jour, le contentieux le plus développé concerne la communication au salarié de ses objectifs professionnels dans une autre langue que le français.

Il ressort des décisions de la Cour de cassation que les documents unilatéraux qui fixent des objectifs doivent être communiqués en français au salarié car il s’agit de dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail. En conséquence, un document rédigé dans une autre langue que le français n’est pas opposable au salarié ; peu importe à cet égard que le salarié ait par le passé accepté des objectifs fixés en anglais et qu’il ait travaillé dans cette langue (Cass. Soc. 2 avril 2014, n° 12-30.191).

NB : Cette règle ne peut pas être invoquée par une citoyenne américaine s’agissant d’un document rédigé en anglais. L’inopposabilité est aussi écartée lorsqu’une traduction en français a été mise à la disposition du salarié, par exemple sur l’intranet de l’employeur (Cass. Soc. 21 septembre 2017, n°16-20.426).

Quelles actions pour les représentants du personnel ?

Le retrait des dispositifs illégaux

Les élus peuvent soit directement, soit par l’intermédiaire d’un salarié, constater la violation des règles légales et jurisprudentielles précitées. Cette situation peut faire l’objet d’une réclamation auprès de l’employeur.

Les élus peuvent alerter l’inspection du travail qui peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions d’un règlement intérieur, de notes de service ou de tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières qui relèvent du règlement intérieur, et qui ne seraient pas rédigées en français (par exemple, une charte éthique reçue directement du siège social situé à l’étranger).

Un enjeu de santé à placer au cœur du dialogue social

Un sondage effectué en 2011 par la CFE-CGC révélait que pour 45 % des sondés, l’utilisation d’une autre langue en milieu professionnel génère du stress. C’est un sujet à placer selon nous au cœur des enjeux de dialogue social. Les représentants du personnel peuvent :

  • Effectuer un recensement des documents qui ne sont pas rédigés en français et présenter une demande de traduction
  • Promouvoir une mesure de l’impact de l’usage d’une autre langue pour les salariés et ses conséquences notamment en matière de RPS afin de permettre la mise en œuvre d’un plan d’action
  • En faire un enjeu de négociation collective, comme celui signé par la société GEMS en 2008. Retrouvez l’accord signé ICI
  • Demander la mise en place d’un outil de gestion de questions de langue en entreprise. C’est l’exemple de la commission terminologie mise en œuvre chez Axa qui pourra être amenée à évaluer les niveaux de connaissance des langues, effectuer le travail terminologique ou de traduction et veille sur les outils.

Des consultations en Français

Le Code du travail précise que les documents communiqués aux représentants des salariés au comité d’entreprise européen, au comité de la société européenne et comité de la société coopérative européenne, comportent au moins une version française.

Selon nous, le CSE doit refuser la remise d’informations dans une langue autre que le français. La mission du CSE est en effet d’assurer une expression collective des salariés, permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts, les échanges et les documents remis aux élus doivent être en français.

 Conseil Atlantes
Si nécessaire, une clause peut être introduite dans le règlement intérieur du CSE.

Frédéric PAPOT, Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France

PATCHWORK

 

Les coopératives, les associations, les mutuelles, les ONG, les fondations et les réseaux de l’économie sociale et solidaire (ESS) affichent leur attachement aux valeurs d’égalité : « Normal, c’est dans notre ADN ! Chez nous il n’y a pas de problème de sexisme »… Sauf que des discriminations fortes persistent dans l’ESS, en termes de gouvernance, de mixité des métiers, de salaires, de conditions de travail, etc.

Si l’on ne fait rien, on laisse se perpétuer les stéréotypes, l’invisibilisation des femmes, les rapports de domination. D’autant que de très nombreuses femmes de l’ESS travaillent dans les métiers du care où d’autres rapports de pouvoir se superposent.

Ce texte est une invitation à expérimenter ensemble (femmes et hommes) de nouvelles pratiques internes pour que le potentiel de transformation sociétale et d’innovation affiché par les structures de l’ESS ne reste pas théorique.

Il constitue un outil d’actions afin de débloquer les peurs et les résistances qui entourent encore le sujet de l’égalité femmes-hommes.

La Manufacture collaborative est un collectif composé de personnes venant de coopératives, associations ou réseaux de l’ESS animé par Catherine Bodet.

Ouvrage issu d’une recherche-action qui a mobilisé plus d’une centaine de personnes depuis janvier 2018 et publié avec le soutien de la Direccte Île-de France.

NB : Pour commander, préférez les réseaux de librairies indépendantes (librairies de proximité, sites des librairies indépendantes) ou directement les Editions de l’Atelier (www.editionsatelier.com). Ainsi vous contribuerez à les promouvoir et non à alimenter des sociétés trop éloignées de notre modèle social !

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Mise à jour :lundi 18 mars 2024
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