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La plume de l'alouette
Novembre 2019

LE CSE AU FIL DES JOURS ET DES PRATIQUES
Assurance chômage : le gouvernement a finalement repris la main … et ça se voit.

La loi du 5 septembre 2018 dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » avait laissé le soin aux partenaires sociaux de mettre en œuvre les modifications du régime d’assurance chômage voulues par le gouvernement et de réaliser les économies demandées dans la lettre de cadrage du gouvernement.

Faute d’accord et fort d’une négociation mort-née, c’est donc le gouvernement qui a repris la main afin de réaliser les 3,4 milliards d’euros d’économies voulues d’ici fin 2021.

Deux décrets en date du 26 juillet 2019 fixent désormais les nouvelles règles de l’assurance chômage. On vous en dit plus.

Nouvelles règles d’indemnisation : cotiser plus pour gagner moins

Travailler 6 mois au lieu de 4

Pour toutes les ruptures du contrat de travail intervenues à compter du 1er novembre 2019, les nouvelles règles d’assurance chômage s’appliqueront.

Dès lors, les travailleurs privés d’emploi âgés de moins de 53 ans devront justifier d’une condition d’affiliation d’au moins 6 mois d’activité au cours des 24 mois précédant le dernier jour travaillé et payé au lieu des 4 mois d’activité au cours des 28 derniers mois précédant la rupture exigée dans l’ancien dispositif. 

Prenons un exemple :

Depuis novembre 2017, Paul a multiplié les petits boulots. Son prochain CDD prend fin le 18 novembre 2019 et il s’interroge sur ses droits au chômage. Il aura cumulé 100 jours de travail soit 5 mois.

Dans l’ancien dispositif, Paul aurait effectivement bénéficié du chômage. En revanche, dans le nouveau dispositif , Paul ne bénéficiera pas du chômage puisqu’il n’aura pas cumulé 6 mois de travail.

La fin des droits rechargeables 

Avec les droits rechargeables, les allocataires arrivés en fin de leur droit à indemnisation peuvent recharger leurs droits à condition d’avoir travaillé au moins 6 mois.

En alignant la condition minimale d’activité pour le rechargement des droits et celle pour ouvrir droit à une indemnisation à 6 mois, le gouvernement neutralise en grande partie le dispositif.

Il s’agit pourtant d’un dispositif récent puisque crée en 2014 et ayant vocation à inciter les chômeurs à reprendre un travail.

Calcul du salaire journalier de référence (SJR) : changement de logique 

Le salaire journalier de référence permet de calculer le montant de l’allocation qui sera versée au demandeur d’emploi.

Pour les salariés privés d’emploi avant le 1er avril 2020, le salaire de référence pris en compte pour fixer le montant l’allocation journalière est établi à partir des rémunérations correspondant aux 12 mois précédant le dernier jour travaillé et payé.

Pour ceux dont la fin de contrat de travail interviendra à partir du 1er avril 2020, le salaire de référence est établi sur les 24 mois précédant le dernier jour travaillé et payé. Cette période sera de 36 mois pour les salariés âgés d’au moins 53 ans.

C’est également un changement dans la logique de calcul. En effet, la précédente logique voulait que le salaire journalier de référence soit calculé sur une moyenne des salaires touchés les jours travaillés par un salarié. A compter du 1er avril 2020, le calcul devra se faire sur le revenu mensuel moyen comprenant donc l’ensemble des jours calendaires de la période à partir de la première période d’emploi. 

 Point de vue Atlantes

Un tel changement de paradigme impactera nécessairement les personnes qui alternent période d’emploi et de non-emploi. En première ligne se trouveront les personnes qui enchaîneront CDD ou intérim. A noter qu’en 2018, 47% des allocataires indemnisés étaient en contrat à durée limitée (CDD, intérim).

En d’autres termes et comme déploré par de nombreux syndicats : c’est une invitation forcée pour ces salariés à accepter encore plus d’emplois précaires, plus pénibles, plus mal payés, si tenté que cela soit possible. A rappeler que l’allocataire ne pourra jamais disposer de plus de 75% de son salaire brut.

Bénéfice de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) des salariés démissionnaires : une promesse présidentielle non tenue

La loi du 5 septembre 2018 ouvre le droit aux allocations chômage pour les salariés qui démissionnent afin de poursuivre un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’activité. Loin de bénéficier à tous, des conditions spécifiques sont prévues et méritent une attention toute particulière : 

  • Être apte et être à la recherche d’emploi. Cette condition est satisfaite dès lors que le salarié est inscrit comme demandeur d’emploi
  • 1300 jours de travail au cours des 60 derniers mois précédent la fin du contrat, soit 5 ans
  • Poursuivre un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une activité. Le caractère réel et sérieux du projet est attesté par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR).
  • Demander préalablement à la démission, un conseil en évolution professionnelle qui va établir avec le salarié le projet de reconversion professionnelle.

Lors de l’examen du dossier, la CPIR étudiera, notamment :

  • Pour les projets de reconversion professionnelle
  • le projet de reconversion ;
  • les caractéristiques du métier souhaité ;
  • la formation prévue et les modalités de financement envisagées ;
  • les perspectives d’emploi à l’issue de la formation.
    • Pour les projets de création d’entreprise
  • les caractéristiques et les perspectives d’activité du marché de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
  • les besoins de financement et les ressources financières de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
  • les moyens techniques et humains de l’entreprise à créer ou à reprendre ;

Un arrêté en date du 23 octobre 2019 fixe le contenu de la demande d’attestation du caractère réel et sérieux des projets professionnels des salariés démissionnaires. Il existera donc deux formulaires différents, qu’il s’agisse d’un projet de reconversion professionnelle ou de création d’entreprise.

Retrouvez les formulaires (ici)

 Attention

La demande auprès de la CPIR ne sera valable qu’à la condition que le salarié n’ait pas démissionné de son emploi préalablement à la demande de conseil en évolution professionnelle.

Pôle Emploi sera amené à contrôler la mise en œuvre du projet de reconversion. En effet, la loi prévoit qu’un contrôle sera effectué au plus tard au bout de 6 mois de perception des allocations chômage de la réalité de la mise en œuvre du projet professionnel. Le cas échéant, si l’intéressé ne peut pas justifier, sans motif légitime, de cette mise en œuvre, il est radié de la liste des demandeurs d’emploi, avec interdiction de se réinscrire dans les 4 mois qui suivent. En parallèle, le revenu de remplacement est supprimé pendant 4 mois consécutifs.

NB : ce dispositif vient s’ajouter au cas de démissions légitimes déjà existants (déménagement pour suivre un conjoint, non-paiement des salaires, contrat de service civique, etc.).

Les cas de démission légitimes (ici)

Des conséquences lourdes, déjà pointées par l’Unedic 

Dans sa note d’impact du 24 septembre 2019 l’Unedic annonce en effet que la première année de mise en œuvre de la réforme parmi les 2,6 millions d’allocataires qui auraient ouvert un droit avec l’ancien dispositif, 9% n’ouvriront pas de droits et 41% verront leurs droits impactés. 

Pour en savoir plus : 

Retrouvez les chiffres qui comptent de l’Unedic (ici) 

Ainsi que sa note d’impact (ici)

Maxence DEFRANCE,
Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France

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Mise à jour :mercredi 17 avril 2024
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