Actus d’Atlantes

Travailleurs des plateformes numériques : Chroniques d’un combat pas terminé

Le statut des travailleurs de plateformes ne cesse, depuis ces dernières années, d’alimenter le débat politique, social et juridique. En témoigne notre dernière actualité sur le sujet dans notre Plume du mois de septembre 2020 , faisant suite à de nombreuses actualités sur notre site

Pour rappel, la saga jurisprudentielle avait débuté par un arrêt de la Cour de Cassation qui avait caractérisé l’existence d’un lien de subordination, et par-là même d’un contrat de travail, entre la plateforme et le travailleur dit « indépendant ». La France se prononçait ainsi en faveur d’une assimilation des travailleurs de plateformes à des salariés afin de les faire bénéficier du même statut protecteur (Cass. soc., 28 nov. 2018, n° 17-20.079, FP-PBRI ; Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316, FP-PBRI ; Cass. soc., 24 juin 2020, nº 18-26.088 F-D).

Cette jurisprudence audacieuse n’a malheureusement donné naissance qu’à de timides interventions de la part du législateur. Tout d’abord en 2016, avec la loi « Travail », puis en 2019, avec la loi « LOM », lesquelles se sont contentées de créer dans le Code du travail un statut spécifique pour ces « travailleurs indépendants », les écartant ainsi astucieusement du bénéfice de celui applicable aux salariés. 

Dans le prolongement de ces interventions législatives, une ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021, relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation, a été publiée le 22 avril 2021 au Journal officiel.

Cette ordonnance est venue créer, pour les secteurs d’activité de conduite et de livraison de marchandises, la possibilité pour les travailleurs de plateformes de se doter de représentants du personnel, d’une part, et d’autre part, un statut protecteur du travailleur représentant.

À la lecture de l’ordonnance et du rapport afférent, le contenu de ses dispositions ne sont pas sans nous rappeler les règles applicables aux salariés, tant sur le plan de la mise en place des représentants des travailleurs de plateformes, que sur celui du statut protecteur applicable aux travailleurs élus représentants :

- organisation d’élections professionnelles par l’employeur ;

- critères de représentativité des organisations habilitées à présenter des candidats aux élections ; 

- organisation d’un scrutin par vote électronique tous les quatre ans, sauf pour les deux premières mesures d’audience ; 

- demande d’autorisation préalable en cas de rupture du contrat commerciale du travailleur représentant auprès d’une nouvelle autorité administrative ad hoc (l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi ou Arpe) ;

- formation et heures de délégation au profit du travailleur représentant ;

- création d’un chapitre relatif au « dialogue de plateforme », qui reste vide à l’heure actuelle, mais est destiné à accueillir le cadre et les modalités de négociation collective entre les plateforme et les représentants des travailleurs. 

- obligation pour les plateformes de publier sur leur site internet, à compter de 2022, des indicateurs relatifs à la durée d’activité et au revenu d’activité des travailleurs sur l’année précédente (D. n°2021-501, 22 avr. 2021 : JO, 25 avr. :)

 

L’intention du législateur est donc claire : éviter toute assimilation des travailleurs de plateforme à des salariés, qui « [menacerait] la sécurité juridique et la liberté des relations qui peuvent exister entre les travailleurs et les entreprises », comme le souligne un syndicat des avocats d’entreprise en droit social. 

Toutefois, force est de constater que la création d’un statut spécifique aux travailleurs de plateformes par le législateur, qui s’avère en réalité plus proche de celui applicable aux salariés qu’à celui applicable aux travailleurs indépendants, révèle l’artificialité des règles qu’il édicte. 

Face à la volonté persistante des pouvoirs législatif et politique de distinguer deux situations de travail qui, dans leur exécution concrète, sont semblables, et ce au mépris des évolutions législatives européennes, où des pays comme l’Espagne, l’Italie, la Suisse ou encore la Grande-Bretagne ont reconnu la qualité de salariés des travailleurs de plateformes, la lutte contre la précarisation des emplois doit continuer à être menée !

 

 

Alexandra Pantalacci, Juriste – Atlantes Paris/Île-de-France

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