Actus d’Atlantes

Transfert partiel d’activité et transfert partiel du contrat de travail : une décision permet de faire le point.

Le code du travail – et la directive européenne 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 – organise un mécanisme de protection de l’emploi des salariés en cas de transfert total ou partiel d’activité. Les contrats de travail des salariés affectés à l’exploitation de l’activité transférée sont transférés, entraînant alors un changement d’employeur.

Cette règle est d’une particulière importance tant au regard de sa fréquence de mise en œuvre, que de son caractère impératif, lorsque les conditions légales d’application sont présentes. Ni le salarié, ni les entités cédante et cessionnaire, ne peuvent écarter son application (il existe toutefois des exceptions, telle la reprise d’activité dans le cadre d’un PSE : l’article L.1224-1 du code du travail ne s’applique alors que dans la limite du nombre des emplois qui n’ont pas été supprimés à la suite des licenciements, à la date d’effet de ce transfert).

Bien qu’ancienne, l’application de l’article L. 1224-1 dont il s’agit (ancien L. 122-12) génère toujours du contentieux et la Cour de cassation apporte ses éclairages au gré des questions posées.

Une décision du 30 septembre 2020 (n° 19-24.881 PBRI) est l’occasion de revenir sur la situation des salariés dont les fonctions ne sont exercées que partiellement dans le cadre de l’activité cédée. Ce sera le cas, par exemple, d’une fonction administrative, support ou commerciale qui s’exerce tant sur l’activité cédée que sur une ou plusieurs autres activités qui ne sont pas cédées.

Le contrat de travail doit- il dès lors être transféré chez le repreneur de l’activité ? Ce transfert peut-il n’être que partiel, entraînant la transformation d’un contrat de travail unique en deux contrats à temps partiels auprès de deux employeurs distincts ?

On voit qu’il s’agit là d’enjeux majeurs se rapportant à une situation qui est loin d’être anecdotique.

Dans une décision maintenant ancienne, la Cour de cassation a opté pour le transfert partiel du contrat de travail : « (…) le salarié [doit] passer au service de la seconde société pour la partie de l’activité qu’il consacrait au secteur cédé » (Cass. Soc. 22 juin 1993, n° 90-44.705). Puis elle a précisé que c’est l’ensemble du contrat qui doit être transféré lorsque le contrat de travail s’exécute pour l’essentiel dans le secteur d’activité cédé (Cass. Soc. 30 mars 2010, n° 08-42.065) et inversement que lorsque le salarié n’exerce pas l’essentiel de ses fonctions dans l’activité cédée, le contrat de travail doit continuer à se poursuivre en totalité avec l’employeur initial (Cass. Soc. 21 septembre 2016, n° 14-30.056).

Mais, le salarié ne devrait-il pas pouvoir s’opposer au transfert partiel de son contrat et plus particulièrement sa transformation en deux contrats à temps partiel (puisque par hypothèse le changement d’employeur est imposé par l’article L. 1224-1) ?

Sur la question de la modification du contrat induite par le transfert, la Cour de cassation a aussi apporté des réponses. Dans un arrêt du 1er juin 2016 (n° 14-21.143) il est jugé que le salarié peut s’opposer aux modifications du contrat – autres que le changement d’employeur – entraînées par le transfert et qu’il appartient alors au nouvel employeur soit de poursuivre le contrat en l’état, soit d’engager une procédure de licenciement (on constatera néanmoins que la capacité réelle de refuser du salarié est limitée car un refus l’expose à la perte de son emploi).

La décision du 30 septembre 2020 apporte un tempérament à la rigueur de ces règles : « lorsque le salarié est affecté tant dans le secteur repris, (…) que dans un secteur d’activité non repris, le contrat de travail de ce salarié est transféré pour la partie de l’activité qu’il consacre au secteur cédé, sauf si la scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible, entraîne une détérioration des conditions de travail de ce dernier ou porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive. »

Trois situations sont donc de nature à s’opposer au transfert partiel du contrat :

  • La scission du contrat de travail, au prorata des fonctions exercées par le salarié, est impossible,
  • Cette scission entraîne une détérioration des conditions de travail du salarié,
  • Cette scission porte atteinte au maintien de ses droits garantis par la directive.

Dans cette affaire, une salariée, dont le contrat avait été transféré à hauteur de 50 %, avait pris acte de la rupture du contrat la liant à son employeur originaire et avait saisi le Conseil de prud’homme.

Ayant été condamné en première instance et en appel, l’employeur originaire s’est pourvu en cassation en soulevant le moyen suivant :

« il résulte de l’arrêt que la cession par l’employeur à la société DPR méditerranée du droit de présentation de la clientèle portant sur l’ensemble des dossiers du cabinet de Menton, sur les biens mobiliers corporels relatifs à l’exercice de l’activité d’avocat et sur le salarié à hauteur de 50 % de son temps de travail, avait entraîné le transfert d’une entité économique autonome ayant conservé son identité ; qu’en jugeant cependant que le contrat de travail de la salariée, affectée pour 50 % de son temps de travail à l’entité transférée et pour 50 % à l’activité conservée, devait se poursuivre avec la cédante au prétexte que la salariée n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions au sein de l’entité transférée, la cour d’appel a violé le texte susvisé, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001.  »

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel : « Pour juger que la prise d’acte par la salariée était justifiée par un manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, l’arrêt, après avoir jugé caractérisé le transfert d’une entité économique autonome, retient que, si la partie de l’activité de la société X...- Y...- Z...-W... cédée à la société D… représentait 50 % de l’activité de la salariée, le contrat de travail devait se poursuivre auprès de la société X...- Y...- Z... - W... dès lors que la salariée n’exerçait pas l’essentiel de ses fonctions au sein de l’entité transférée. »

Ainsi, lorsqu’un salarié a une durée du travail répartie à part égale entre une activité cédée et une activité conservée, le contrat doit être partiellement transféré ; sauf à justifier de l’une des causes qui permettra au salarié de refuser la modification du contrat induite par le transfert partiel.

Frédéric PAPOT

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