Actus d’Atlantes

Rupture du contrat de travail & Assurance chômage : juste une mise au point

 

Les règles en matière de bénéfice de l’Allocation d’Aide au retour à l’Emploi (ARE) ne sont pas toujours parfaitement lisibles. L’occasion pour nous de faire le point sur les principales questions qui peuvent se poser.

 

Dans quel cas une rupture de contrat de travail donne-t-elle droit à l’indemnité chômage ?

Depuis 2018, l’Assurance chômage a fait l’objet de réformes qui ont modifié en profondeur ses règles. Outre la réforme de la gouvernance de l’Assurance chômage, ces mesures ont modifié les conditions d’ouverture des droits, les modalités d’indemnisation et ont créé de nouveaux droits au fonctionnement encore incertain. Les observateurs de l’Assurance chômage[1] parlent de « nombreuses incohérences » qui « rendent souvent imprévisible la protection contre le chômage »[2].

La rupture du contrat de travail n’implique pas toujours une indemnisation par l’assurance chômage, loin de là. Pour tenter d’y voir plus clair, il est possible de s’appuyer sur un principe clé de l’assurance chômage : l’indemnisation repose sur la perte involontaire d’emploi. Reste alors ensuite à comprendre ce qu’il faut entendre par perte involontaire d’emploi…

 

LA RUPTURE A L’INITIATIVE DE L’EMPLOYEUR 

 

Dans ces cas-là les règles semblent assez simples : dès lors que la rupture est à l’initiative de l’employeur, le salarié est considéré comme ayant involontairement perdu son emploi et peut ainsi bénéficier de l’assurance chômage.

 

Le licenciement

C’est l’une des principales causes de rupture à l’initiative de l’employeur :

 

Licenciement pour motif économique 

Il trouve sa justification dans des éléments objectifs qui sont extérieurs au salarié (difficultés économiques, mutations technologiques, sauvegarde de la compétitivité).

 

Licenciement pour motif personnel

Qu’il soit disciplinaire (faute, faute grave ou encore faute lourde) ou bien pour un motif non-disciplinaire (insuffisance de résultats, insuffisance professionnelle, inaptitude médicalement constatée, etc.).

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, un salarié faisant l’objet d’un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave ou lourde, conserve son droit à l’indemnisation chômage.

 

Mise à la retraite d’office 

Pour les salariés âgés de 67 à 70 ans, l’employeur peut demander chaque année, 3 mois avant la date d’anniversaire, si la personne en question souhaite partir à la retraite.

Pour les salariés âgés d’au moins 70 ans, l’employeur peut d’office et sans son accord mettre le salarié à la retraite.

Dans les deux cas, la rupture est à l’initiative de l’employeur pourtant le salarié ne bénéficie pas de l’indemnité chômage, celui-ci bénéficiant alors de la pension retraite.

 

LA RUPTURE CONVENTIONNELLE 

 

La rupture conventionnelle consiste en un accord entre l’employeur et le salarié sur le principe et les modalités de la rupture du contrat de travail. Dès son origine, la rupture conventionnelle a été considérée comme ouvrant droit à l’indemnité chômage.

Et ce y compris lorsque c’est le salarié qui propose la rupture conventionnelle à son employeur. En effet, en droit, la rupture conventionnelle est considérée comme un accord mutuel des deux parties, peu importe si le salarié a pris l’initiative de la proposer.

 

RUPTURE A L’INITIATIVE DU SALARIE 

 

En principe, la rupture à l’initiative du salarié s’oppose à la logique d’indemnisation du chômage selon lequel le salarié doit perdre involontairement son emploi.

Toutefois, le législateur a prévu des exceptions au principe de la perte involontaire d’emploi : soit parce que la rupture apparait comme légitime soit parce qu’elle est considérée comme relevant, en réalité, de manquements de l’employeur.

 

Démission 

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail[3]. Par définition, la démission est aux antipodes du principe d’indemnisation de l’assurance chômage, elle ne permet donc pas de bénéficier de l’indemnité chômage.

Pourtant, deux exceptions permettent tout de même de bénéficier de l’indemnité chômage en cas de démission :

 

La démission légitime

Il s’agit d’une démission justifiée par un motif reconnu comme légitime, à savoir :

- mariage ou PACS avec un changement de lieu de travail,

- mineur quittant son emploi pour suivre ses parents,

accompagnement d’un enfant handicapé admis dans une structure d’accueil hors lieu de résidence,

- victime de violences conjugales.

 

Démission pour une reconversion

La démission peut donner droit à une indemnisation chômage à condition d’être en CDI et d’avoir travaillé durant 5 années avant la démission qui doit être justifiée par un projet préalablement validé par Pôle Emploi.

Bien que volontaires, ces types de démission sont reconnus par le législateur comme devant faire l’objet d’une indemnisation chômage.

 

Rupture à l’initiative du salarié résultant de manquements de l’employeur 

Le Code du travail prévoit des cas de rupture à l’initiative du salarié mais étant provoquées par des manquements particulièrement graves de l’employeur à ses obligations (non-paiement du salaire, harcèlement, discrimination, etc.). Cette rupture peut être actée par le salarié lui-même (prise d’acte de la rupture du contrat de travail) ou faire l’objet d’une saisie du Conseil des prud’hommes (résiliation judiciaire).

Dans les deux cas, si la rupture est considérée comme résultant du comportement fautif de l’employeur, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié bénéficie alors d’une indemnisation chômage

Attention, en cas de prise d’acte, si le juge estime que la rupture n’est pas justifiée, elle produit les effets d’une démission. Dans ce cas, le salarié ne bénéficie pas d’indemnité chômage.

 

Le départ volontaire à la retraite 

Le départ volontaire à la retraite intervient à la demande du salarié et entraine la liquidation de la pension retraite (excluant donc le bénéfice de l’indemnité chômage).

 

L’abandon de poste désormais assimilé à une démission 

L’abandon de poste caractérise la situation dans laquelle un salarié cesse spontanément et sans justification de se présenter à son poste de travail. L’absence injustifiée du salarié suspend le contrat de travail (l’employeur n’est pas tenu de rémunérer le salarié, ni de le licencier, ni non plus de délivrer une attestation Pôle Emploi).

La loi du 21 décembre 2022 prévoit désormais qu’un salarié qui abandonne son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure (par LRAR) peut être considéré comme démissionnaire par son employeur (qui n’a donc plus à le licencier pour s’en séparer). Le salarié considéré démissionnaire ne peut donc pas bénéficier de l’indemnité chômage.

 

Et la période d’essai dans tout ça ? 

Si la rupture de la période d’essai est autorisée par le Code du travail, pour la réglementation assurance chômage, en revanche, elle produit les effets d’une démission dès lors qu’elle est à l’initiative du salarié.

 

Le salarié à l’initiative de la rupture de la période d’essai n’aura donc, en principe, pas le droit à l’allocation chômage sauf si son initiative est considérée comme une démission « légitime ».

 

Arthur MOREAU

Juriste

 

[1] C’est le cas du Médiateur national de Pôle emploi qui évoque, dans le cas des démissions notamment, « un foisonnement de textes complexes » qui en rend la compréhension inaccessible à la plupart des demandeurs d’emploi ainsi qu’à beaucoup de conseillers pôle emploi… (Rapport Médiateur National Pôle Emploi 2016).

[2] Bruno Coquet, « les deux réformes de l’assurance chômage », OFCE, n°03-2022.

[3] cass. Soc. 9 mai 2007 n°05-40.518

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