Actus d’Atlantes

Réforme des retraites et pénibilité : qui est concerné ?

Mercredi 11 décembre, Edouard Philippe promettait dans son discours sur les retraites des départs anticipés ou des fins de carrière à temps partiel pour les salariés dont les conditions de travail sont pénibles. Après que le Président de la République ait confié ne pas adorer le mot pénibilité « parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible », qu’est-ce que la pénibilité selon le gouvernement ? Quels salariés sont concernés ?

Depuis 2015, les entreprises doivent déclarer chaque année les salariés exposés à certains facteurs de risques professionnels. Celles et ceux exposés au-delà du seuil réglementaire cumulent des points sur leur compte pénibilité qu’ils peuvent ensuite utiliser pour bénéficier de formations, réduire leur temps de travail ou partir en retraite avant l’âge légal.

A peine élu, alors que dix critères de pénibilité étaient pris en compte, Emmanuel Macron juge que certains facteurs ne sont pas assez pénibles et décide de supprimer :

  • Les manutentions manuelles de charge.
  • Les postures pénibles.
  • Les vibrations mécaniques.
  • Les agents chimiques dangereux.

Par conséquent, le « compte professionnel de prévention » (C2P) ne comporte plus que 6 facteurs de risques :

  • les températures extrêmes
  • les milieux hyperbares (où la pression est supérieure à la pression atmosphérique)
  • le bruit
  • le travail de nuit
  • le travail en équipes successives alternantes (les 3 x 8, par exemple)
  • le travail répétitif.

Les patrons dont les salariés étaient exposés à ces risques devaient payer des cotisations sociales supplémentaires. Depuis le 1er janvier 2018, ces cotisations spécifiques ont été supprimées, ce qui fait donc disparaître toute incitation financière à la prévention.

Alors que la pénibilité était auparavant sanctuarisée au sein de l’ordre public conventionnel, les ordonnances Macron de septembre 2017 ont intégré « la prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels » et « les primes pour travaux dangereux ou insalubres » à l’article L2253-2 du Code du travail, plus communément appelé « bloc 2 ».

Par conséquent, les branches n’ont plus l’obligation de se saisir de ces thématiques et les accords d’entreprise conclus avant ou après peuvent primer sur l’accord de branche, quand bien même ils seraient moins favorables.

De plus, ce n’est pas parce qu’un salarié est exposé à l’un des 6 critères de pénibilité qu’il pourra pour autant acquérir des points sur son C2P. En effet, les seuils ont été fixés tellement haut qu’ils n’englobent qu’une maigre partie des salariés subissant des conditions de travail pénibles.

Dépassent par exemple les seuils de pénibilité les salariés travaillant chaque année :

  • 900 heures sous des températures extrêmes ou de manière répétitive
  • 120 nuits
  • 600 heures à l’écoute de bruits assourdissants.

900 morts au travail par an dont 400 suicides, 4500 handicapés du travail, 650 000 arrêts de travail, un demi-million de ruptures conventionnelles signées chaque année…

Ces chiffres ne font pas les unes des chaines d’infos mais reflètent la triste réalité du monde du travail. Alors oui, que l’on adore ou pas ce mot, le travail est bien pénible. Il est navrant de constater qu’en souhaitant modifier une nouvelle fois le dispositif des retraites, un gouvernement fasse à ce point l’autruche sur la question pénibilité, alors que ce thème devrait être au cœur des débats. Ils veulent donc nous faire travailler plus mais dans quel état !

Enfin seriez-vous prêts à laisser monter vos enfants dans un car scolaire conduit par une personne de 64 ans ou voyager dans un avion piloté par un commandant de bord du même âge ?

 

Malek SMIDA & Olivier CADIC

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