Il ressort clairement du code du travail que le temps de trajet professionnel n’est pas un temps de travail : « Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. » (article L. 3121-4 c. trav.).
Mais, cette affirmation qui parait absolue admet-elle des exceptions ?
Il résulte des décisions de la Cour de cassation que lorsque pendant un temps de trajet les conditions de la définition du temps de travail sont remplies, alors le temps de trajet doit être qualifié de temps de travail.
Ainsi le temps de trajet est un temps de travail lorsque le salarié « est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » (article L. 3121-1 c. trav.).
Peu importe donc que le salarié effectue un déplacement entre le domicile et le lieu de travail ; dès lors qu’il est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, il doit être considéré en temps de travail.
Ces principes, simples à énoncer, sont d’application délicate et force est de constater que l’appréciation du salarié et de l’employeur divergent souvent.
Une décision de la Cour de cassation (non publiée) en date du 3 juin 2020 (n° 18-16.920) est l’occasion de faire un point.
Dans cette affaire, une Cour d’appel avait refusé de qualifier de temps de travail le temps consacré par un salarié au trajet pour se rendre de son domicile au lieu d’établissement de clients. Selon la Cour d’appel, la seule contrainte consistant en ce que le salarié transporte des colis lors du trajet entre son domicile et ses locaux de travail, ne pouvait permettre de déduire qu’il était à la disposition de l’employeur et qu’il ne pouvait vaquer librement à ses occupations personnelles. En conséquence, la période prévue pour ce trajet n’était pas – selon la Cour d’appel - un temps de travail effectif.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation au visa de l’article L. 3121-1 du code du travail : « En statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le salarié devait utiliser, pour faire le trajet entre les locaux du client de son employeur et son domicile, un véhicule de l’entreprise, contenant parfois des colis appartenant à ce client, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ».
Il en ressort que lorsque le salarié doit utiliser un véhicule de l’entreprise et transporte des colis pour un client ; il doit être considéré comme étant en temps de travail.
En revanche, la Cour de cassation a jugé en 2019 que la circonstance que le salarié soit astreint de se déplacer vers son lieu de travail, à l’intérieur de l’enceinte sécurisée d’une infrastructure aéroportuaire, au moyen d’une navette, ne permet pas de considérer que ce temps de déplacement constitue un temps de travail effectif (Cass. soc. 09 mai 2019, n° 17-20.740). Dans de telles circonstances les hauts magistrats ont donc estimé que le salarié n’était pas à la disposition de l’employeur, n’avait pas à se conforme à ses directives et pouvait vaquer librement à des occupations personnelles.
Frédéric PAPOT
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