Passée un peu sous les radars, la loi de finances rectificative portant réforme des retraites du 14 avril 2023 est venue modifier le régime social et fiscal des indemnités de rupture conventionnelle individuelle intervenant à compter du 1er septembre 2023.
Aujourd’hui, lorsque l’employeur négocie avec l’un de ses salariés une rupture conventionnelle, l’indemnité de rupture est soumise, pour l’employeur :
Partant du constat que le nombre de ruptures conventionnelles individuelles augmente chaque année chez les salariés âgés de plus de 50 ans, le gouvernement considère que le régime social actuel incite les employeurs à se séparer de leurs seniors.
Par ailleurs, la possibilité d’être couvert par Pôle emploi au moins jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite peut également encourager certains seniors à solliciter une telle rupture.
Afin de favoriser l’emploi des seniors et diminuer le nombre de ruptures conventionnelles en fin de carrière, le législateur entend désormais surtaxer les indemnités de rupture conventionnelle en mettant à la charge de l’employeur une contribution patronale de 30% (et non plus un forfait social de 20%) sur les indemnités de rupture versées au salarié, et ce quelque soit l’âge de ce dernier.
Cette nouvelle mesure sera effective « aux indemnités versées à l’occasion des ruptures de contrat de travail intervenant à compter du 1er septembre 2023 ».
Il convient donc de retenir la date de la rupture du contrat de travail (avant ou après le 1er septembre 2023) et non la date de versement des indemnités, pour déterminer l’application ou non de ce nouveau régime.
Cette réforme n’est pas sans conséquence puisqu’elle concerne toutes les ruptures conventionnelles qu’elles soient conclues avec des salariés en fin de carrière ou pas. Elle a un impact direct sur les possibilités de rupture du contrat de travail amiable et l’engouement des employeurs comme des salariés pour la rupture conventionnelle.
En parallèle, le régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle ne variera désormais plus selon que le salarié est en droit ou non de prétendre à une pension de retraite de base.
Ainsi, quel que soit l’âge du salarié, l’indemnité de rupture conventionnelle inférieure à 10 PASS (soit 439 920€ en 2023) sera exonérée :
Exemple : un salarié perçoit une indemnité de rupture conventionnelle de 150.000€ correspondant au montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
L’indemnité sera totalement exonérée d’impôts pour le salarié si ce dernier n’est pas en droit de prétendre à une pension de retraite de base au moment de la rupture.
Pour les cotisations de sécurité sociale : le montant assujetti à cotisations est de 150.000€ - 87984€ = 62 016€
Pour la CSG et la CRDS, comme l’indemnité conventionnelle est supérieure à la part exclue de l’assiette de cotisations de sécurité sociale, c’est cette dernière limite qui s’applique. Le montant assujetti à CSG-CRDS sera de 62 016€
L’employeur devra, quant à lui, verser une contribution spécifique de 30% sur la fraction de l’indemnité exonérée de cotisations, soit du 1er euro jusqu’à 87 984€ = 26 395.2 €
Vous trouverez ci-dessous un tableau récapitulatif du régime social et fiscal des indemnités de rupture conventionnelle avant/après le 1er septembre 2023.
Régime social et fiscal de l’indemnité de rupture conventionnelle individuelle |
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Cotisations/impôts sur le revenu |
Régime jusqu’au 31/08/23 |
Régime à compter du 01/10/23 |
Salarié n’ayant pas un droit à une pension de retraite de base |
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Impôts sur le revenu
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Non soumise à l’IR dans la limite la plus élevée entre : - 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ou 50 % du montant de l’indemnité si cette valeur est supérieure (dans la limite de 263 952 euros, soit 6 PASS) - ou le montant de l’indemnité de licenciement conventionnelle ou légale |
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Cotisations sociales |
Exonérée pour sa fraction imposable dans la limite de 87 984 euros (soit 2 PASS) |
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CSG et CRDS |
Exonérée (sans abattement d’assiette) pour sa fraction exonérée de cotisations sociales dans la limite de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement |
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Contributions patronales |
Forfait social de 20% sur la fraction exonérée de cotisations sociales |
30 % sur la fraction exonérée de cotisations sociales |
Salarié ayant droit à une pension de retraite de base |
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Impôts sur le revenu
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Soumise à l’IR dès le premier euro |
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Cotisations sociales |
Soumise à cotisations sociales dès le premier euro |
Exonérée à hauteur de la fraction imposable calculée comme pour le salarié n’ayant pas droit à une pension de retraite de base, dans la limite de 87 984 euros (soit 2 PASS) |
CSG et CRDS |
Soumise à CSG/CRDS dès le premier euro |
Exonérée (sans abattement d’assiette) pour sa fraction exonérée de cotisations sociales dans la limite de l’indemnité de licenciement légale ou conventionnelle |
Contributions patronales |
Aucune |
30 % sur la fraction exonérée de cotisations sociales |
Source : L. n° 2023-270, 14 avr. 2023, art. 4 : JO, 15 avr
Anne-Lise Massard
L’actualité du droit du travail et de ses évolutions… du bout des doigts.
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