Par plusieurs arrêts et un avis obtenu dans un dossier ATLANTES, la Cour de cassation a retenu que le CE ou le CHSCT d’une personne morale régie par les règles des marchés publics peut désigner l’expert de son choix - dans les conditions fixées par le Code du travail (ex. : risque grave, projet important, etc.) - et ce, sans être soumis au droit de la commande publique et notamment à l’obligation de procéder à un éventuel appel d’offres.
Par un arrêt du 14 décembre 2011, la Cour de cassation avait considéré que les règles des marchés publics n’étaient pas applicables à la désignation d’un expert par le CHSCT d’un établissement public – en se fondant sur un décret du 30 décembre 2005 portant application d’une ordonnance du 6 juin 2005 (Soc. 14 décembre 2011).
Cela étant, les textes réglementaires précités ont été remplacés par une ordonnance du 23 juillet 2015 et un décret d’application du 25 mars 2016.
A cette occasion, la Direction des Affaires Juridiques de Bercy a pris position en faveur de l’application du droit de la commande publique aux expertises sollicitées par les CHSCT des établissements publics de santé (Lettres des 22 mars 2016 et 12 août 2016 en réponse à la Fédération Hospitalière de France).
Certaines directions ont alors soutenu en particulier que ces instances pouvaient être des « pouvoirs adjudicateurs » entrant dans le champ d’application de l’ordonnance précitée du 23 juillet 2015 dont l’article 10 vise (parmi ces « pouvoirs adjudicateurs ») les « personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ».
Ces tentatives ont donné lieu à plusieurs contentieux avec des solutions contradictoires (voir en faveur de l’application des règles de la commande publique au CHSCT : TGI Carpentras 5 avril 2017 / Contre cette application : not. CA Poitiers 11 octobre 2017).
C’est dans ce contexte qu’interviennent les arrêts et l’avis particulièrement attendus de la Cour de cassation.
S’agissant du CHSCT, la Cour de cassation retient qu’« eu égard à la mission du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail définie à l’article L. 4612-1 du Code du travail de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, le CHSCT ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, quand bien même il exerce sa mission au sein d’une personne morale visée audit article » (Soc. 28 mars 2018 n°16-29106 confirmé par Soc. 5 juillet 2018 n°17-14108).
Cette solution est totalement justifiée au regard de l’article L.4612-1 précité suivant lequel les attributions du CHSCT ont pour objet de défendre les intérêts particuliers des travailleurs d’un établissement donné ou des travailleurs extérieurs mis à disposition de cet établissement.
S’agissant du CE, la Cour de cassation fait valoir qu’« un CE d’une personne morale, soumise à l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics en qualité de pouvoir adjudicateur, ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de ladite ordonnance » (Avis n° 15005 du 4 avril 2018 – Chambre sociale).
Pour fonder cet avis, la Cour vise l’article L. 2323-1 du code du travail suivant lequel « le comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production », mission qui ne correspond pas à la satisfaction spécifique de besoins d’intérêt général.
Cette solution est transposable, à notre sens, au CSE dès lors que ce dernier reprend quasi à l’identique les attributions précitées du CE (cf. article L.2312-8 nouveau du Code du travail).
Benoit MASNOU, Avocat
Par plusieurs arrêts et un avis obtenu dans un dossier ATLANTES, la Cour de cassation a retenu que le CE ou le CHSCT d’une personne morale régie par les règles des marchés publics peut désigner l’expert de son choix - dans les conditions fixées par le Code du travail (ex. : risque grave, projet important, etc.) - et ce, sans être soumis au droit de la commande publique et notamment à l’obligation de procéder à un éventuel appel d’offres.
Par un arrêt du 14 décembre 2011, la Cour de cassation avait considéré que les règles des marchés publics n’étaient pas applicables à la désignation d’un expert par le CHSCT d’un établissement public – en se fondant sur un décret du 30 décembre 2005 portant application d’une ordonnance du 6 juin 2005 (Soc. 14 décembre 2011).
Cela étant, les textes réglementaires précités ont été remplacés par une ordonnance du 23 juillet 2015 et un décret d’application du 25 mars 2016.
A cette occasion, la Direction des Affaires Juridiques de Bercy a pris position en faveur de l’application du droit de la commande publique aux expertises sollicitées par les CHSCT des établissements publics de santé (Lettres des 22 mars 2016 et 12 août 2016 en réponse à la Fédération Hospitalière de France).
Certaines directions ont alors soutenu en particulier que ces instances pouvaient être des « pouvoirs adjudicateurs » entrant dans le champ d’application de l’ordonnance précitée du 23 juillet 2015 dont l’article 10 vise (parmi ces « pouvoirs adjudicateurs ») les « personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ».
Ces tentatives ont donné lieu à plusieurs contentieux avec des solutions contradictoires (voir en faveur de l’application des règles de la commande publique au CHSCT : TGI Carpentras 5 avril 2017 / Contre cette application : not. CA Poitiers 11 octobre 2017).
C’est dans ce contexte qu’interviennent les arrêts et l’avis particulièrement attendus de la Cour de cassation.
S’agissant du CHSCT, la Cour de cassation retient qu’« eu égard à la mission du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail définie à l’article L. 4612-1 du Code du travail de contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure, le CHSCT ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, quand bien même il exerce sa mission au sein d’une personne morale visée audit article » (Soc. 28 mars 2018 n°16-29106 confirmé par Soc. 5 juillet 2018 n°17-14108).
Cette solution est totalement justifiée au regard de l’article L.4612-1 précité suivant lequel les attributions du CHSCT ont pour objet de défendre les intérêts particuliers des travailleurs d’un établissement donné ou des travailleurs extérieurs mis à disposition de cet établissement.
S’agissant du CE, la Cour de cassation fait valoir qu’« un CE d’une personne morale, soumise à l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics en qualité de pouvoir adjudicateur, ne relève pas des personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général au sens de l’article 10 de ladite ordonnance » (Avis n° 15005 du 4 avril 2018 – Chambre sociale).
Pour fonder cet avis, la Cour vise l’article L. 2323-1 du code du travail suivant lequel « le comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production », mission qui ne correspond pas à la satisfaction spécifique de besoins d’intérêt général.
Cette solution est transposable, à notre sens, au CSE dès lors que ce dernier reprend quasi à l’identique les attributions précitées du CE (cf. article L.2312-8 nouveau du Code du travail).
Benoit MASNOU, Avocat
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