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La plume de l'alouette
Novembre 2020

DOSSIER SPECIAL

Télétravail : Comment bien le négocier ?

 

Le télétravail a 15 ans (depuis l’ANI de 2005) et la situation sanitaire lui a donné un certain coup de fouet.

Pour autant, il oscille toujours entre espoirs et craintes. Espoir d’échapper à des temps de trajet inutiles ; crainte d’une baisse de productivité ; espoir d’une baisse de charges ; crainte d’une immixtion du travail dans la vie privée. Il est parmi ces objets qui sont autant adorés qu’abhorrés, tant par les salariés que les employeurs.

Or, la législation nous en dit assez peu de choses, préférant laisser aux acteurs de l’entreprise le soin de se l’approprier.

Nous vous présentons quelques axes de négociation.

Qu’est-ce que le télétravail ?

Le télétravail implique un travail hors des locaux de l’entreprise, mais pas nécessairement au domicile, et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication.

Conseil Atlantes
Il sera dès lors intéressant que l’accord ou la charte détermine le lieu de télétravail.

Comment est mis en place le télétravail ?

Priorité donnée à l’accord collectif

Le télétravail repose sur un accord collectif ou, « à défaut », une charte. L’expression « à défaut » peut se comprendre comme imposant l’ouverture d’une négociation avec les syndicats représentatifs ; et c’est lorsque la négociation n’aboutit pas, que l’employeur peut adopter une charte après consultation du CSE.

Cependant, le recours au télétravail reste possible en l’absence d’accord et de charte. Le Code du travail précise alors que l’accord de l’employeur et du salarié est formalisé par tout moyen (art. L. 122-9 I, al. 4) et donc à titre individuel.

Accord collectif et charte ne sont pas des actes équivalents.

Le premier présente une meilleure stabilité car des règles encadrent sa modification et sa dénonciation ; alors que le contenu d’une charte peut être facilement modifié ou supprimé. Mais, l’accord permet de s’affranchir des règles de l’accord de branche ou nationales.

L’accord collectif doit comporter un préambule. Il est important que les représentants du personnel y apportent leur touche. Ce sera, par exemple, la mention d’un objectif de conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, ou encore un objectif de protection de la santé.

Une fois la philosophie du texte inscrite dans le préambule, il convient de la faire coïncider avec les mesures de l’accord.

Conseil Atlantes
Nous préconisons la signature d’un accord collectif qui présentera une garantie de meilleure stabilité dans le temps en faisant attention aux possibles dérogations.

L’accord du salarié est - en principe - nécessaire

Le Code du travail ne rend plus obligatoire la signature d’un avenant.

Cependant, il est mentionné que « Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail.  »

Attention
Par exception, il résulte de l’article L. 1222-11 que le refus du salarié - sans justification valable - peut devenir une cause de sanction lorsque le recours au télétravail est utilisé pour faire face à des « circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure » ; le télétravail étant alors « un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »

Quel est le contenu de l’accord ou de la charte ?

Le document (accord ou charte) devra préciser :

  • Les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du Code de l’environnement
  • Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail
  • Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
  • Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail
  • La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail
  • Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail.
Hors situation de contrainte qui impose le télétravail à l’employeur et au salarié (crise sanitaire ou écologique), nous préconisons que l’accord stipule que l’acceptation du salarié prend la forme d’un avenant à son contrat de travail.

L’accord ou la charte doit également définir les postes éligibles à un mode d’organisation en télétravail. Ce n’est que si le salarié
occupe un de ces postes que l’employeur devra motiver un refus d’accorder le bénéfice du télétravail. 

Il convient donc d’apporter le plus grand soin à cette définition, en évitant de laisser une marge d’appréciation subjective à l’employeur.

Conseil Atlantes 

Plus la liste des postes pouvant être occupés en télétravail sera précise, plus les salariés pourront contester un refus. Il convient d’éviter les formules du type « dans la mesure du possible » ou « selon les capacités du salarié », ou « après avis de son manager ».

Lorsque tous les postes d’un certain type ne peuvent pas être télétravaillés, il conviendra de définir avec précision des critères objectifs pour départager les salariés.

Lorsque le télétravail demande certaines aptitudes de la part du salarié, il est préférable que ces aptitudes soient également objectivement définies dans l’accord. Ce sera, par exemple, le cas de « l’autonomie » qui pourra être définie comme étant la capacité à exercer telle fonction, sans aide extérieure.

En tout état de cause, lorsque la demande de télétravail provient d’un salarié handicapé mentionné à l’article L. 5212-13 du Code du travail ou un proche aidant mentionné à l’article L. 113-1-3 du Code de l’action sociale et des familles, l’employeur doit toujours motiver sa décision de refus.

Quant aux conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, elles portent notamment sur les circonstances pré­cises qui peuvent conduire l’une des parties à interrompre temporairement ou définitivement le télétravail ; de même que le délai de prévenance à respecter.

Nous préconisons que l’acte qui matérialise l’accord de l’employeur et du salarié reproduise ces conditions d’interruption du télétravail.

Conseil Atlantes
Une vérification de la compatibilité entre l’accord ou la charte avec les règles qui mettent en œuvre le droit à la déconnexion dans l’entreprise peut être utile.
De même qu’une compatibilité avec le statut de salarié ou cadre au forfait.

Quelles sont les conditions de travail du salarié en télétravail ?

Le Code du travail est particulièrement silencieux sur ce sujet.

De ce point de vue, se pose la question des frais professionnels. En 2017, le législateur a retiré la mention de la prise en charge de ces frais par l’employeur. Comment interpréter ce choix ?

Selon nous, il y a lieu de considérer que les frais exposés par le salarié sont à la charge de l’employeur car d’une part cette prise en charge figure dans l’accord de 2005 et d’autre part elle résulte également de la jurisprudence générale et constante qui met à la charge de l’employeur les frais professionnels. Le télétravail, souvent présenté par les employeurs comme un cadeau fait au salarié la question des frais est souvent éludée.

Conseil Atlantes
Il nous semble préférable que l’accord - ou la charte - mentionne et organise la prise en charge des frais professionnels. En pratique, il conviendra d’établir une liste précise des frais dont la charge reste à l’employeur. L’équipement matériel du salarié peut être un critère d’accès au télétravail.

Enfin, le Code du travail apporte deux précisions :

  • Le télétravailleur a les mêmes droits que les autres salariés (cela justifiera notamment le maintien du droit aux titres-restaurant)
  • L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail ; ce qui pose la question du respect des horaires pour le salarié sur son lieu de travail.

NB : de nouvelles négociations vont débuter au niveau national et interprofessionnel au mois de novembre.

Nous reviendrons vers vous sur le sujet.

A voir sur le sujet

INRS - télétravail Quels risques ? Quelles pistes de prévention ? 
http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206384&nbsp ;

COVID-19 et prévention en entreprise 
http://www.inrs.fr/risques/COVID19-prevention-entreprise/teletravail-situation-exceptionnelle.html

Frédéric PAPOT, Juriste - Atlantes Paris/Ile-de-France

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Mise à jour :mercredi 17 avril 2024
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