Jusque-là rien de surprenant si l’on fait abstraction de l’absence de tout contexte économique qui le justifierait objectivement.
Ce qui peut l’être en revanche, c’est lorsque les motivations d’une direction dans le choix d’une procédure, tiennent avant tout dans le fait d’éviter tout contrôle de l’administration du travail. Les vecteurs ou moyens juridiques ne manquent pas.
Les procédures envisageables pour réduire les effectifs
Plusieurs solutions sont envisageables selon la situation économique, le temps dont elle dispose, les métiers concernés, ou le budget qu’elle est prête à mobiliser.
On peut notamment citer les procédures de licenciement économique de 10 salariés et plus avec Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), la Rupture Conventionnelle Collective (RCC) et la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP).
En fonction du contexte, chacun de ces dispositifs présentera des avantages et des inconvénients ; appréciation au demeurant très différente selon qu’elle résulte de l’employeur ou des représentants des salariés.
Les impératifs juridiques, la possibilité d’être accompagné d’un expert, les conséquences pour les salariés qui resteront et ceux qui partiront, ne sont pas les mêmes mais notre propos n’est pas ici de procéder à leur recensement.
Il est toutefois utile de rappeler que les procédures de licenciement collectif de 10 salariés et plus, nécessitent à terme un contrôle en validation par la DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) en cas de conclusion d’un accord.
Ce contrôle est en revanche renforcé en cas d’échec des négociations ou d’absence d’organisations syndicales dans l’entreprise, lorsqu’un document unilatéral est in fine soumis à homologation :
· Contrôle de la régularité de la procédure d’information/consultation du CSE,
· Contrôle en pertinence (au regard notamment des caractéristiques des populations impactées) et en proportionnalité
des mesures envisagées au regard des moyens de l’entreprise ou du groupe,
· Contrôle des mesures de nature à prévenir les RPS.
Ces contraintes sont moins fortes avec ce mode de rupture collective des contrats de travail qui repose exclusivement sur le volontariat et ne peut être mis en place que par accord collectif.
Ce dernier fait également l’objet d’un contrôle de l’administration du travail :
· Respect des conditions de validité de l’accord,
· Reprise dans l’accord des mesures prescrites par le Code du travail (article L. L1237-19-1),
· Vérification que celles-ci sont précises et concrètes.
À en juger manifestement par certains, ce cadre est encore trop contraignant lorsqu’il s’agit de réduire les effectifs.
Alors pourquoi ne pas négocier un accord de GEPP ?
L’accord de GEPP est négocié dans les entreprises ou groupes d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises ou groupes qui sont de dimension communautaire et qui comportent au moins un établissement en France ayant au moins 150 salariés.
Outre l’avantage de ne pas avoir à être justifié par un motif économique, un accord de GEPP dont l’objet serait d’envisager le repositionnement des salariés en dehors de l’entreprise, sur la base du volontariat, en présente d’autres.
Peu de contraintes juridiques existent quant au contenu de ce type d’accord. Il suffit de prendre lecture des articles L.2242-20 et suivants du Code du travail pour s’en convaincre. Une large place est en effet laissée à la négociation quant à l’orientation que les parties souhaiteront donner à cet accord collectif, comme à ses dispositions et notamment ses mesures d’accompagnement.
L’accord peut être conclu avec le CSE en l’absence d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (la validité de l’accord est subordonnée à sa signature par des élus du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections). Une fois conclu, l’accord sera transmis à la DREETS sans que celui-ci ne fasse l’objet d’un contrôle spécifique à l’instar d’un PSE ou d’une RCC. Ce type d’accord, qualifié d’accord de GPEPP offensif, peut présenter plus de risques lorsque les représentants des salariés ne sont pas rompus à cet exercice.
Si les organisations syndicales ont une certaine habitude de la négociation, une telle pratique est beaucoup plus récente pour les titulaires du CSE. Passer d’une posture de devoir être informé et consulté à celle de négocier ne s’appréhende pas dans les mêmes termes. Il ne s’agit plus seulement de questionner, de comprendre ou de rendre compte aux salariés, il s’agit également de tenter d’obtenir le meilleur des compromis pour ceux qui partiront sans jamais perdre de vue ceux qui resteront au regard de l’impact de ces départs sur leurs conditions de travail.
Or lorsqu’une direction interpellée sur son choix de la GEPP répond que son souci est d’éviter un contrôle de l’administration du travail, cela commence plutôt mal.
Lorsque ces négociations révèlent la volonté persistante, d’entretenir un certain flou sur le nombre de départs envisagés, sur la dénomination et la composition des catégories d’emploi qui permettraient de se porter volontaire au départ, de maintenir un dispositif d’accompagnement et des mesures qui manifestement font peu de cas des projets qui permettraient aux salariés de se porter volontaires au départ, qui limite la durée du congé de mobilité peu ou prou à la durée du préavis, qui en revanche met l’accent sur les indemnités de rupture, peu important que ces salariés aillent ensuite directement s’inscrire à Pole Emploi, on comprend mieux !
Malgré ces constats, il n’est pourtant pas évident de mettre un terme à cette négociation lorsque celle-ci dure depuis plusieurs semaines, comme s’il n’était désormais plus possible de s’en extraire. Ce n’est pas encore vraiment dans la « culture » des élus du CSE. D’un côté la Direction exerce une certaine pression pour aller vite, de l’autre, certains salariés, parfois attirés par le caractère indemnitaire de certaines mesures et par l’opportunité de quitter l’entreprise autrement qu’en démissionnant, ne comprennent pas que les négociations prennent autant de temps.
Ces accords mal ficelés, insuffisamment motivés, peu précis et sous proportionnés, s’accompagnent souvent d’effets dommageables lors de leur déploiement :
· Ceux qui voulaient partir découvrent pour certains qu’ils ne le pourront pas,
· Ceux qui ne le souhaitaient pas y sont invités,
· Les conditions de départage des candidatures en surnombre sont sujettes à caution,
· Les coupes sont plus importantes dans certains services qu’on ne l’imaginait,
· Au fil des départs, les organisations sont déstabilisées,
· Les mesures sont souvent soumises à interprétation…
Ces travers pourraient être évités.
Pas d’accord collectif, pas de GEPP, sauf à disposer de temps, de réels moyens pour y parvenir (heures de délégation, experts…) et d’un objectif qui ne se résume pas à la volonté de se soustraire à la vigilance de l’administration.
Pas question d’accepter un plan de départ « low-cost » ou d’évidence l’impératif est de se séparer des salariés à moindre coût, le plus rapidement possible, sans se soucier réellement des contraintes qu’ils rencontreront demain pour retrouver un emploi, sans peser pour chaque suppression de poste les conséquences sur les organisations et les conditions de travail et d’emploi.
Être formé, accompagné pendant ce type de négociation sont nécessaires mais il n’en reste pas moins qu’il va aussi falloir aussi apprendre à dire non.
Aurélien LADUREE / Juriste
Jusque-là rien de surprenant si l’on fait abstraction de l’absence de tout contexte économique qui le justifierait objectivement.
Ce qui peut l’être en revanche, c’est lorsque les motivations d’une direction dans le choix d’une procédure, tiennent avant tout dans le fait d’éviter tout contrôle de l’administration du travail. Les vecteurs ou moyens juridiques ne manquent pas.
Les procédures envisageables pour réduire les effectifs
Plusieurs solutions sont envisageables selon la situation économique, le temps dont elle dispose, les métiers concernés, ou le budget qu’elle est prête à mobiliser.
On peut notamment citer les procédures de licenciement économique de 10 salariés et plus avec Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), la Rupture Conventionnelle Collective (RCC) et la Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels (GEPP).
En fonction du contexte, chacun de ces dispositifs présentera des avantages et des inconvénients ; appréciation au demeurant très différente selon qu’elle résulte de l’employeur ou des représentants des salariés.
Les impératifs juridiques, la possibilité d’être accompagné d’un expert, les conséquences pour les salariés qui resteront et ceux qui partiront, ne sont pas les mêmes mais notre propos n’est pas ici de procéder à leur recensement.
Il est toutefois utile de rappeler que les procédures de licenciement collectif de 10 salariés et plus, nécessitent à terme un contrôle en validation par la DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) en cas de conclusion d’un accord.
Ce contrôle est en revanche renforcé en cas d’échec des négociations ou d’absence d’organisations syndicales dans l’entreprise, lorsqu’un document unilatéral est in fine soumis à homologation :
· Contrôle de la régularité de la procédure d’information/consultation du CSE,
· Contrôle en pertinence (au regard notamment des caractéristiques des populations impactées) et en proportionnalité
des mesures envisagées au regard des moyens de l’entreprise ou du groupe,
· Contrôle des mesures de nature à prévenir les RPS.
Ces contraintes sont moins fortes avec ce mode de rupture collective des contrats de travail qui repose exclusivement sur le volontariat et ne peut être mis en place que par accord collectif.
Ce dernier fait également l’objet d’un contrôle de l’administration du travail :
· Respect des conditions de validité de l’accord,
· Reprise dans l’accord des mesures prescrites par le Code du travail (article L. L1237-19-1),
· Vérification que celles-ci sont précises et concrètes.
À en juger manifestement par certains, ce cadre est encore trop contraignant lorsqu’il s’agit de réduire les effectifs.
Alors pourquoi ne pas négocier un accord de GEPP ?
L’accord de GEPP est négocié dans les entreprises ou groupes d’au moins 300 salariés, ainsi que dans les entreprises ou groupes qui sont de dimension communautaire et qui comportent au moins un établissement en France ayant au moins 150 salariés.
Outre l’avantage de ne pas avoir à être justifié par un motif économique, un accord de GEPP dont l’objet serait d’envisager le repositionnement des salariés en dehors de l’entreprise, sur la base du volontariat, en présente d’autres.
Peu de contraintes juridiques existent quant au contenu de ce type d’accord. Il suffit de prendre lecture des articles L.2242-20 et suivants du Code du travail pour s’en convaincre. Une large place est en effet laissée à la négociation quant à l’orientation que les parties souhaiteront donner à cet accord collectif, comme à ses dispositions et notamment ses mesures d’accompagnement.
L’accord peut être conclu avec le CSE en l’absence d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (la validité de l’accord est subordonnée à sa signature par des élus du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections). Une fois conclu, l’accord sera transmis à la DREETS sans que celui-ci ne fasse l’objet d’un contrôle spécifique à l’instar d’un PSE ou d’une RCC. Ce type d’accord, qualifié d’accord de GPEPP offensif, peut présenter plus de risques lorsque les représentants des salariés ne sont pas rompus à cet exercice.
Si les organisations syndicales ont une certaine habitude de la négociation, une telle pratique est beaucoup plus récente pour les titulaires du CSE. Passer d’une posture de devoir être informé et consulté à celle de négocier ne s’appréhende pas dans les mêmes termes. Il ne s’agit plus seulement de questionner, de comprendre ou de rendre compte aux salariés, il s’agit également de tenter d’obtenir le meilleur des compromis pour ceux qui partiront sans jamais perdre de vue ceux qui resteront au regard de l’impact de ces départs sur leurs conditions de travail.
Or lorsqu’une direction interpellée sur son choix de la GEPP répond que son souci est d’éviter un contrôle de l’administration du travail, cela commence plutôt mal.
Lorsque ces négociations révèlent la volonté persistante, d’entretenir un certain flou sur le nombre de départs envisagés, sur la dénomination et la composition des catégories d’emploi qui permettraient de se porter volontaire au départ, de maintenir un dispositif d’accompagnement et des mesures qui manifestement font peu de cas des projets qui permettraient aux salariés de se porter volontaires au départ, qui limite la durée du congé de mobilité peu ou prou à la durée du préavis, qui en revanche met l’accent sur les indemnités de rupture, peu important que ces salariés aillent ensuite directement s’inscrire à Pole Emploi, on comprend mieux !
Malgré ces constats, il n’est pourtant pas évident de mettre un terme à cette négociation lorsque celle-ci dure depuis plusieurs semaines, comme s’il n’était désormais plus possible de s’en extraire. Ce n’est pas encore vraiment dans la « culture » des élus du CSE. D’un côté la Direction exerce une certaine pression pour aller vite, de l’autre, certains salariés, parfois attirés par le caractère indemnitaire de certaines mesures et par l’opportunité de quitter l’entreprise autrement qu’en démissionnant, ne comprennent pas que les négociations prennent autant de temps.
Ces accords mal ficelés, insuffisamment motivés, peu précis et sous proportionnés, s’accompagnent souvent d’effets dommageables lors de leur déploiement :
· Ceux qui voulaient partir découvrent pour certains qu’ils ne le pourront pas,
· Ceux qui ne le souhaitaient pas y sont invités,
· Les conditions de départage des candidatures en surnombre sont sujettes à caution,
· Les coupes sont plus importantes dans certains services qu’on ne l’imaginait,
· Au fil des départs, les organisations sont déstabilisées,
· Les mesures sont souvent soumises à interprétation…
Ces travers pourraient être évités.
Pas d’accord collectif, pas de GEPP, sauf à disposer de temps, de réels moyens pour y parvenir (heures de délégation, experts…) et d’un objectif qui ne se résume pas à la volonté de se soustraire à la vigilance de l’administration.
Pas question d’accepter un plan de départ « low-cost » ou d’évidence l’impératif est de se séparer des salariés à moindre coût, le plus rapidement possible, sans se soucier réellement des contraintes qu’ils rencontreront demain pour retrouver un emploi, sans peser pour chaque suppression de poste les conséquences sur les organisations et les conditions de travail et d’emploi.
Être formé, accompagné pendant ce type de négociation sont nécessaires mais il n’en reste pas moins qu’il va aussi falloir aussi apprendre à dire non.
Aurélien LADUREE / Juriste
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