Actus d’Atlantes

1Er mai : fête du Travail ou des travailleurs ?

Dans les esprits collectifs, le 1er mai semble s’être érigé comme la fête du travail, une journée non travaillée, faisant la joie des vendeurs de muguets. Mais que fêtons-nous réellement le 1er mai ? La question mérite en effet d’être posée, puisqu’avant d’être un jour férié, et bien loin de célébrer les dynamismes de production et les avancées technologiques, cette journée trouve ses origines dans les luttes ouvrières.

Le premier constat que l’on peut faire avec certitude est que le 1er mai, n’était pas la fête du travail. La genèse de cette journée prend racine aux Etats-Unis, dans les années 1880, et s’organise autour d’une idée à l’époque révolutionnaire : conquérir la journée de huit heures. En 1884, lors d’un congrès de l’American Federation of Labor, les syndicats décident d’organiser une grève générale et se donnent deux ans pour imposer une limitation de la journée de travail à huit heures.

C’est ainsi que le 1er mai 1886, pas moins de 340 000 ouvriers entreront en grève, portés par une même revendication. Mais rapidement, plusieurs événements sanglants viendront ternir cette journée. Le 3 mai, à Chicago, une fusillade de policiers fera plusieurs morts. Le lendemain, une bombe explosera devant les forces de l’ordre, provoquant la mort de plusieurs d’entre eux. Cinq syndicalistes seront désignés responsables de ces violences et seront condamnés à mort : quatre seront pendus le 11 novembre 1887.

 Trois ans plus tard, en mémoire de cette grève et de ces manifestants tués pour avoir réclamé la journée de huit heures, la IIe Internationale socialiste (qui se réunit à Paris pour le centenaire de la Révolution française) décide de faire de chaque 1er mai une journée dédiée aux revendications des travailleurs, avec pour objectif la réduction de la journée de travail à huit heures. Ce mouvement fondateur prendra à son tour une tournure dramatique : le 1er mai 1891, à Fourmies, les troupes de police ouvriront le feu sur les manifestants, causant la mort de neuf d’entre eux. Avec ce nouveau drame, la journée du 1er mai s’enracine dans une tradition des luttes ouvrières, teintées de rouge et de noir.

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Un siècle et demi plus tard, et un nouveau paradigme semble s’être installé. Au-delà d’une volonté étatique au fil des années de s’emparer de ce symbole des luttes ouvrières (on pense notamment au Régime de Vichy qui transforma par la loi cette journée en « fête nationale du travail »), les évolutions et les transformations de nos sociétés ont indéniablement impacté la nature même de cette journée du 1er mai.

En effet, ces dernières décennies ont fait la part belle à la mondialisation, au développement des nouvelles technologies et à la montée des activités de services, accentuant une profonde mutation du monde du travail et une grande disparité dans les situations d’emploi : modernisation des procédés de production, restructurations industrielles, fermeture de sites de production, suppression d’emplois, essor de l’auto-entreprenariat à travers notamment « l’ubérisation » de la société. Les objectifs sociaux menés par les mouvements ouvriers lors des années 1880 sont aujourd’hui mis à rude épreuve face aux transformations auxquelles nos sociétés sont confrontées, donnant au 1er mai une dimension moins revendicatrice que symbolique. Mais les organisations syndicales ont su au fil des années conquérir les espaces dédiés au 1er mai, agissant de manière collective et portant chaque année lors des manifestations les revendications des travailleurs.

La situation actuelle peut nous permettre de nous repenser en tant que communauté, puisque depuis maintenant plus d’un an, nous sommes toutes et tous confrontés aux dégâts causés par la crise sanitaire, qui a impacté de manière considérable nos droits, nos libertés, et nos emplois. La nécessité d’un collectif nous apparait aujourd’hui plus que nécessaire, afin de réaffirmer l’importance des combats menés par le passé et des luttes sociales à venir, indispensables à une meilleure protection des travailleurs et de leurs droits durement acquis au fil des temps. 

Samuel BENCHEIKH - Juriste/ IDF

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