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62 - mars 2023

EDITO

Dimanche. Profiter des derniers instants. Ne pas penser à demain. Le vendredi se dire que demain ça ira mieux même si la tête qui tourne et les picotements dans les membres ne prennent jamais de repos.

Chaque semaine nous sommes tous et toutes les enfants de Sisyphe.

La course pour attraper son train. La course pour partir avant l’heure et éviter les bouchons. La course pour trouver une place assise dans la rame et s’offrir un léger répit. La course pour « déposer » les gosses … trop tôt … trop vite … trop rien.

La tête collée contre la vitre glacée du car. Le regard dans le vide. Les paupières lourdes. Le corps en veille.

Une vie qui glisse en dérapage non contrôlé. Les uns dans le froid. Les autres dans la fournaise. La bise qui mord à chaque instant. Violence extrême qui bouscule, expose et agresse les corps.

Une vie le nez dans le guidon. Pendant plus de 40 ans à gravir le Galibier. Fatigué… exténué… usé.

En apnée permanente. Les pauses déjeuner prises sur le vif. Une cigarette à moitié entamée et si vite écrasée.

Trier les poubelles. Trier les dossiers. Trier les poissons. Trier les humains.

Lutter contre les injonctions paradoxales. Lutter à contre-courant dans la bousculade des couloirs de métro. Lutter contre la peur. Peur d’arriver en retard. Peur de tomber malade. Peur de mal faire, de ne plus y arriver, d’être moins rapide, moins précis, moins efficace. Peur de tout perdre.

Guetter les signes avant-coureurs.

Tricher sur ses absences. Le dos bloqué ?

« Une mauvaise chute à la maison  ».

Tricher sur les heures supplémentaires non déclarées, le travail en soirée ou les jours de repos.

Surfer en permanence avec le point de rupture.

Et puis se résigner … attendre … et disparaître.

En quête de sens. Tout ça pour ça ? Tout ça pour quoi ?
On n’a qu’une vie. Monsieur le Président de la République, Madame la première Ministre, Monsieur le Ministre du travail, ne nous la gâchez pas.

Olivier CADIC
Directeur juridique

* « Métro, boulot, tombeau » Le Monde diplomatique,
novembre 2010, Danièle LINHART

COMMENT LE CSE PEUT AGIR FACE AUX CONDUITES ADDICTIVES EN MILIEU PROFESSIONNEL ?

Les spécialistes sont unanimes pour dire que depuis le début de la crise sanitaire, il a été constaté une aggravation des pratiques addictives. Qu’il s’agisse d’une consommation excessive de produits psychoactifs (alcool, cannabis, médicaments, tabac...) ou de pratiques addictives1 comportementales (cyberdépendances, workaholisme, achats compulsifs, troubles des comportements alimentaires, addictions sexuelles...).

Pour autant, ce sujet reste encore trop peu traité par les entreprises ou seulement par le biais de contrôles et de sanctions disciplinaires. L’absence de cadre légal et les raisons multifactorielles qui poussent les salariés à ces pratiques expliquent la frilosité des employeurs à s’en saisir. En effet, la réglementation est très succincte sur le sujet de l’alcool et inexistante pour le reste2.

Il y a donc un intérêt à agir et cela fait partie intégrante des missions des membres du CSE et de la CSSCT lorsqu’elle existe. Le rôle du CSE sur le sujet peut être multiple, « faire reconnaître » à l’employeur le lien entre le travail et certaines conduites addictives, s’assurer du respect des droits des salariés dans le cadre des tests, être actif dans la prévention des risques liés aux conduites addictives.

Le CSE : établir le lien entre travail
& conduites addictives

Il existe, en milieu de travail, deux types d’addictions comportementales : le workaholisme (dépendance au travail) et la technodépendance (internet, courriels, téléphone portable…).

Au-delà de ces deux addictions liées directement au travail, le travail peut avoir un impact sur les pratiques addictives, il peut renforcer, parfois même générer une pratique addictive. Il existe plusieurs facteurs professionnels favorisant les conduites addictives :

• La disponibilité et l’offre des produits :

 l’offre d’alcool dans le secteur de la restauration ou l’offre
 de médicaments dans le secteur du soin ;

• Les pratiques culturelles et socialisantes :

 la consommation lors des pots en entreprise, des séminaires,
 ou lors des congrès ou repas d’affaires ;

• La précarité professionnelle :

 toute incertitude professionnelle suscitant du stress
 (menace de fermeture d’entreprise, plan de restruc-
 turation, fusion d’entreprise avec réduction de personnel) ;

• Les tensions psychiques :

 un excès de responsabilités ou une activité alternant
 surcharge puis ennui, stress, travail en contact avec le
 public, harcèlement, brimades ;

• La pauvreté des relations sociales :

 un poste isolé ou un manque de soutien de la part de la
 hiérarchie ou des collègues ;

• La culture d’entreprise :

 une culture de l’excellence et/ ou de l’efficacité à tout
 prix, des objectifs fixés trop élevés, l’usage exponentiel
 des technologies de l’information et de la communication.

Le CSE et la CSSCT doivent veiller au contexte organisationnel et rechercher en cas de conduites addictives, s’il existe un quelconque lien avec le travail, afin d’améliorer l’environnement de travail dans une démarche préventive.

 

Le CSE : veiller au respect
de la réglementation sur les tests

Le CSE doit connaître le peu de règles établies pour la réalisation des tests sur les lieux et temps de travail afin d’en assurer le respect. Pour pouvoir pratiquer des tests d’alcoolémie ou de dépistage de drogue, l’employeur doit :

• mentionner leur recours dans le règlement intérieur
 et les postes concernés par ces tests. Il doit être réservé
 aux salariés qui, par la nature de leur travail sont en
 mesure d’exposer les personnes ou les biens à un danger ;

• informer les salariés susceptibles de faire l’objet d’un
 tel contrôle et des raisons qui le justifient ;

• prévoir la possibilité pour le salarié d’être assisté et
 de contester les résultats des tests (possibilité de contre-
 expertise).

 

NB : En cas de modification du règlement intérieur, le CSE doit nécessairement être consulté. Vous pourrez alors donner votre avis sur la procédure interne prévue et faire part de vos remarques ou contre-propositions. Il peut être opportun de faire inscrire dans le règlement intérieur que le CSE recevra l’information si des tests sont effectués sur des salariés.

 

Le CSE : jouer un rôle préventif actif

Le CSE peut jouer un rôle important dans la prévention des addictions sur les lieux de travail de plusieurs manières :

• En informant les salariés sur les risques liés aux différentes
 formes d’addiction et sur les moyens de les prévenir ;

• En proposant des actions de prévention, comme des ateliers
 de sensibilisation ou des campagnes de communication ;

• En mettant en place des dispositifs de soutien et d’accompagnement pour les salariés en situation de dépendance ou en risque de le devenir (médecin, psychologue, groupe de paroles) ;

• En veillant à ce que les politiques de l’entreprise en matière
 de santé et de sécurité au travail prennent en compte les
 risques liés aux addictions (notamment via le DUERP).

• En suggérant aux partenaires sociaux de se saisir de ces
 questions pour obtenir des engagements de l’entreprise :
 via une charte ou un accord QVT.

Exemple de mesures : l’acceptation des aménagements de poste pour permettre aux salariés de suivre un traitement ou de se réinsérer dans l’entreprise ou le fait de ne pas discriminer les salariés en raison de leurs addictions.

 

Le CSE : initier le dialogue avec les salariés

Si un membre du CSE détecte un problème avec un salarié, il doit pouvoir essayer d’établir un dialogue hors hiérarchie avec le collègue. L’élu peut conseiller au salarié de prendre rendez-vous auprès du service de santé au travail, le médecin du travail étant en mesure de proposer des adaptations, modifications de poste s’il existe des facteurs professionnels favorisant le comportement addictif.

Ces situations doivent être appréciées strictement du point de vue de la santé et de la sécurité du travail, de manière factuelle, et non au regard de la morale ou d’un jugement de valeur quelconque.

Idéalement, des membres du service RH doivent être formé sur ce sujet pour y faire face, et mener une campagne d’information positive. L’employeur doit inciter les salariés à demander de l’aide sans craindre une quelconque sanction. Il ne s’agit plus de stigmatiser ou de marginaliser les salariés concernés mais de leur proposer des solutions adéquates.

Le rôle du CSE est donc multiple, l’enjeu principal étant de convaincre la direction d’accorder de l’importance à cette problématique pour œuvrer conjointement et ne pas l’aborder uniquement sous l’angle disciplinaire lorsqu’il est « trop tard ».

 

 

Alison VILLIERS / Juriste Ouest

1 - Confinement & comportements addictifs : le point de vue des Français.
GAE Conseil - Odoxa (avril 2020) Télétravail & pratiques addictives en période de crise. GAE Conseil - Odoxa (Novembre 2020).

2 - Circulaire DGT n° 2008/22 du 19 novembre 2008, relative aux chartes éthiques,

dispositifs d’alerte professionnelle et au règlement intérieur.

3 - Le Baromètre de Santé publique France 2017 : 11,7 % des hommes et 9,1 % des femmes

déclarent que la consommation d’alcool fait partie de la culture de leur milieu professionnel.

 

 

Clause de mobilité : STOP à la modification abusive du lieu de travail !

La clause de mobilité permet à l’employeur de modifier le lieu de travail du salarié de manière définitive. Cette clause doit figurer dans le contrat de travail ou un avenant signé pour être opposable au salarié.

Il convient de distinguer la modification du lieu de travail lié à la mise en œuvre de cette clause de la modification du lieu de travail située dans le même bassin d’emploi1. En effet, si l’employeur demande au salarié de modifier son lieu de travail dans le même bassin, cette mobilité s’impose au salarié, même en l’absence de clause : il s’agit d’un simple changement des conditions de travail.

Un accord collectif peut m’imposer une clause de mobilité alors
que celle-ci n’est pas mentionnée dans mon contrat 

VRAI. Même si cela est assez rare, certains accords peuvent en effet prévoir des clauses de mobilité dites « conventionnelles ».

Celles-ci s’imposent au salarié dès lors qu’elles se suffisent à elles-mêmes et que le salarié est informé de l’existence de cette clause et qu’il ait pu en prendre connaissance. Attention, dans ce cadre, dès lors que le salarié a été engagé avant l’entrée en vigueur de cet accord collectif, cette clause ne s’impose pas au travailleur2.

 

NB : Les accords de performance collective, l’exception à la règle.
L’accord de performance collective (APC) peut être mobilisé par l’employeur pour préserver ou développer l’emploi ou répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise.

L’objectif de cet accord est de permettre à l’entreprise de conserver ou d’améliorer sa compétitivité et donc l’emploi (questions-réponses du ministère du Travail du 23 juillet 2020, Q/R n° 3). Ce type d’accord peut notamment déterminer les conditions de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise. Il est applicable à l’ensemble des salariés y compris ceux déjà en poste avant l’entrée en vigueur de l’accord. Le refus de se voir appliquer l’accord justifie d’un licenciement basé sur ce motif (article L.2254-2 du Code du travail).

Une clause de mobilité peut être nationale 

VRAI. La clause de mobilité doit définir de manière précise sa zone géographique d’application. Toutefois, la Cour de Cassation valide qu’une clause puisse être étendue sur tout le territoire français.

Par exemple, une clause indiquant « le salarié prend l’engagement d’accepter tout changement de lieu de travail sur l’ensemble du territoire français  » est valide3. A l’inverse, est illicite la clause où le salarié s’engage à accepter d’exercer ses fonctions sur l’ensemble du territoire national mais également dans tous pays4, la clause ne précisant pas les pays concernés.

La clause pourrait même être étendue au niveau international. Dans ce cas, elle doit indiquer les pays concernés. La simple mention qui prévoit que les missions du salarié pourraient être exécutées à l’étranger n’est pas suffisante.

La mise en œuvre de la clause de mobilité peut être abusive 

VRAI. La décision de l’employeur d’actionner la clause de mobilité n’est licite que si elle est justifiée par l’intérêt de l’entreprise5. Attention, c’est au salarié de prouver l’abus de l’employeur.

Par exemple, a été reconnu comme un intérêt légitime une réorganisation de l’entreprise. A l’inverse, n’est pas un intérêt légitime une insuffisance professionnelle ou une mobilité imposée suite à des accusations de harcèlement moral, ce qui relève de la procédure disciplinaire.

Il n’y a pas de délai de prévenance en cas de mise en application de la clause 

VRAI/Faux. La loi ne fixe en effet pas de délai minimal. Un accord collectif ou le contrat de travail pourraient en fixer un.

Toutefois, en vertu de la bonne foi contractuelle, l’employeur doit respecter un délai de prévenance suffisant qui dépendra des circonstances individuelles : ancienneté dans l’entreprise, éloignement du nouveau lieu de travail, situation familiale,…

En tout état de cause, la Cour de Cassation a pu juger qu’un délai de prévenance insuffisant est abusif et permet au salarié de refuser sa nouvelle affectation.

Je ne peux refuser l’application d’une clause de mobilité 

VRAI. En principe, la mobilité géographique d’un salarié en application d’une clause de mobilité s’impose à lui. Il s’agit d’un simple changement des conditions de travail. Un refus pourrait constituer un motif de licenciement pour faute6.

Attention néanmoins, si la modification du lieu de travail s’accompagne d’autres modifications du contrat de travail telles que la fonction ou la rémunération, celles-ci ne s’imposent pas au salarié qui est en droit de refuser7.

La mise en œuvre d’une clause de mobilité ne peut intervenir sans que soit prise en compte la vie personnelle et familiale du salarié. Ainsi, l’usage abusif de la clause de mobilité a pu être reconnu lorsque l’employeur a imposé à un salarié, qui se trouvait dans une situation familiale critique (son épouse était alors enceinte de sept mois), un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d’autres salariés (Cass. soc., 18 mai 1999, no 96-44.315).

Audrey LIOTÉ / Juriste AURA

1 - La jurisprudence est abondante concernant la notion de bassin d’emploi.

Nous reviendrons sur cette notion dans un prochain numéro.

2 - Cass. soc. 27-6-2002 n° 00-42.646 FS-PBRI, Fédération française des maisons des jeunes

et de la culture c/ C. : RJS 10/02 n° 1074, Bull. civ. V n° 222.

3 - Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-11.906 FS-PB, Sté Euro Cargo Rail c/ D. : RJS 10/14 n° 668, Bull. civ. V n° 183.

4 - Cass. soc. 26-5-2010 n° 09-40.422 F-D, Sté EGCI Pillard c/ B.

5 - Cass. soc. 15-12-2004 n° 01-47.206 FS-D, SA American Express carte France c/ G. : RJS 3/05 n° 251.
6 - Cass. soc., 23 janv. 2008, no 07-40.522. 

7 - Cass. soc., 28 nov. 1989, no 87-43.561.

« LA SOCIALE » : devoir de mémoire

 

Le 15 mars 1944, après des années de luttes et de revendications ouvrières, le programme du conseil national de la résistance, annoncera

« un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».

C’est ainsi que la France a fait le choix, avec l’ordonnance du 4 octobre 1945 de construire un système de sécurité sociale qui couvrira l’ensemble des travailleurs (salariés comme indépendants).
Vivre sans l’angoisse du lendemain, libérer les catégories
populaires de l’insécurité, acquérir la dignité par son travail.
C’est Ambroise Croizat, militant syndical, issu du monde ouvrier et issu de fédération des métallurgistes de la CGT qui
sera nommé à compter du 21 novembre 1945, Ministre du travail.
Il aura en charge de bâtir ce qui n’était encore qu’une utopie :
la Sécurité sociale.

 


C’est donc au travers de celles et ceux qui ont l’ont bâtie, que le réalisateur, Gilles PERRET, fait le choix de nous raconter dans
la première partie du documentaire, l’histoire de la « sécu ».
Vous y découvrirez notamment le récit du pétillant
Jolfred Frégonara qui se définit comme « le dernier poilu de
la sécurité sociale »
, âgé de 96 ans à l’époque. Le militant syndicaliste qui n’a rien perdu de sa verve porte un regard empli de tendresse sur l’histoire de cet édifice qu’il défend toujours auprès des jeunes générations au travers de conférences données dans tout l’hexagone.

Dans la seconde partie du documentaire, le réalisateur questionne économistes, historiens, responsables syndicaux et praticiens hospitaliers sur les évolutions de la sécurité sociale. Ils questionnent la place de la sécurité sociale dans nos vies. Le dogme néolibéral galopant tend à glisser de la logique de protection collective à une logique de plus en plus individuelle.
Conclusion : chaque euro laissé au secteur privé est un euro inégalitaire.

 Ce documentaire nous rappelle que si cette utopie est toujours en marche et profite à 65 millions de Français, elle doit être défendue.

Se battre pour défendre la Sécurité sociale, c’est toujours un combat pour notre dignité de travailleur.

Maxence DEFRANCE / Juriste IDF

 

 

Site internet : https://www.lasociale.fr/

VOD :

TENK : https://www.on-tenk.com/fr/documentaires/politique/la-sociale

CINEMUTINS : https://www.cinemutins.com/la-sociale

CAPUSEEN : https://www.capuseen.com/films/5449-la-sociale

COMPRENDRE L’AVIS DU CSE

« De toute façon notre avis ne sert à rien puisqu’à la fin la direction fait ce qu’elle veut… ».

 

Cette affirmation que nous entendons trop régulièrement de la part de membres de CSE illustre le sentiment « d’impuissance » qu’éprouvent nombre d’élus.

Toutefois, elle est le reflet d’une vision biaisée de ce qu’est fondamentalement un avis du CSE, de son rôle ou encore
de sa véritable portée.

Il nous apparaît ainsi nécessaire de vous rappeler, pourquoi l’avis, ultime étape de la consultation de l’instance,
est un instrument fondamental du CSE et comment ses membres peuvent s’en emparer.

 

1 Les principes de la consultation
 du CSE

Ainsi commence le second alinéa de l’article L. 2312-8 du Code du travail :

« Le comité est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ».

Ce principe général de la consultation préalable du CSE sur les questions relatives à la marche générale de l’entreprise est, depuis 1946, et malgré les récentes vicissitudes législatives, toujours un principe fondamental obligatoire, véritable pierre angulaire des prérogatives du CSE.

Pour mémoire, l’employeur doit informer et consulter le CSE de manière fréquente et régulière tant dans le cadre des consultations annuelles obligatoires que dans le cadre des consultations ponctuelles lorsqu’un projet touche l’organisation, la gestion ou la marche générale de l’entreprise.

Trois grands principes régissent les consultations de l’instance :

- Le caractère préalable de la consultation énoncé par
 l’article L. 2312-14 du Code du travail interdit la mise en
œuvre d’une décision ou d’un projet avant que le CSE
ne soit valablement consulté ;

- La remise d’informations précises et écrites et la
 réponse aux questions du CSE (article L. 2312-
 15 du Code du travail)
permettent au CSE de
 rendre un avis éclairé ;

- Un délai d’examen suffisant doit permettre au CSE
de prendre le temps d’analyser correctement ce qui
est présenté.

Juridiquement le CSE dispose donc toujours d’un véritable pouvoir et les tribunaux sanctionnent régulièrement des employeurs qui ne respectent pas les prérogatives d’information/consultation des CSE.

Nous verrons toutefois que s’emparer de cette prérogative essentielle n’est pas chose aisée.

 

2 Sortir de la binarité
avis favorable / avis défavorable
 pour un avis motivé

En dépit de l’assertion souvent véhiculée par certains services de ressources humaines, il convient de souligner que le CSE n’est aucunement tenu de produire un avis favorable ou défavorable.

En effet, cette approche dichotomique de la consultation s’avère particulièrement fallacieuse.

Le rôle de la consultation du CSE ne consiste pas à prendre position « pour » ou « contre », mais plutôt à exprimer un avis éclairé, étayé et motivé. Cette exigence de motivation est d’autant plus nécessaire que l’article L. 2312-15 du Code du travail impose à l’employeur de rendre « compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et vœux du comité ».

Quelle suite l’employeur pourrait-il donner à un simple avis « défavorable » ?

Le rôle de l’avis émis par le CSE est de permettre à cette instance de faire part de son opinion éclairée sur les sujets qui lui sont présentés, d’identifier les conséquences favorables ou défavorables pour les salariés qu’elle représente et dont elle est garante des intérêts.

Les projets soumis sont rarement réductibles à être bons ou mauvais, « noir ou blanc ». La réalité est infiniment plus complexe et s’enfermer dans cette notion d’avis « favorable ou défavorable » revient à se tromper de paradigme.

Ainsi, l’avis du CSE ne doit pas être considéré comme un outil d’opposition mais bien comme un mécanisme permettant de faire des propositions, de suggérer des alternatives ou encore d’alerter sur de potentiels risques le tout dans une logique de protection des intérêts des salariés.

Toutefois, il convient de souligner que l’avis émis par le CSE demeure effectivement purement consultatif et que sa pertinence résidera dans la qualité de sa rédaction et de son suivi.

3 De la préparation à la rédaction de l’avis

Nous préconisons au sein de l’avis, de revenir sur l’objet de la consultation, sur ses enjeux, sur les échanges avec la direction puis d’exprimer les positions du CSE sur l’ensemble de ces éléments.

Nous conseillons aux CSE, d’exprimer leurs opinions et vœux sur le projet, notamment car cela obligera la direction à se positionner sur ces éventuelles vœux et propositions.

Précisons également que les avis du CSE peuvent avoir vocation à poser des jalons pour une éventuelle suite aux projets pour lequel le CSE est consulté… qui justifiera dans ce cas une multiplicité de consultations.

L’avis sert également à pointer des inquiétudes ou des risques qui peuvent toucher à de nombreux sujets : santé des salariés, environnement, viabilité économique du projet, conséquences éventuelles sur les accords en cours comme l’intéressement ou la participation par exemple.

Ainsi rappeler par écrit à la direction ses responsabilités et ses obligations dans le cadre d’un avis fait sens et s’inscrit pleinement dans le cadre de la mission des membres du CSE.

 

Nos conseils pour la rédaction de vos avis

Sans qu’ils ne soient exhaustifs certains verbes peuvent vous aider dans la rédaction des avis :

- Constater, noter, remarquer ; permettent généralement
de structurer la première partie de l’avis.

-Demander, conseiller, solliciter, proposer, inciter ; permettent
de positionner le CSE comme un interlocuteur, de l’inscrire
comme force de proposition dans une logique de
co-construction.

- Alerter, avertir, prévenir, déplorer, regretter ; permettent
de mettre la direction devant ses responsabilités.

 

4 Diffuser l’avis du CSE
 auprès des salariés

Il est fréquent que les salariés n’aient pas conscience du rôle consultatif du CSE et voient ce dernier comme une simple entité dédiée à la distribution d’avantages sociaux tels que des chèques vacances. Pour corriger cette vision réductrice, il est nécessaire que les CSE adoptent une approche réfléchie et globale quant à leur communication envers les salariés, en se concentrant notamment sur la transmission claire et efficace de leur avis aux collègues.

Or nous constatons fréquemment que le seul vecteur d’information des salariés, concernant les projets pour lesquels le CSE est consulté, reste le procès-verbal diffusé souvent bien après la réunion auquel il se rapporte. Cette diffusion, si elle a le mérite d’exister, ne permet pas réellement d’assurer une information efficace des salariés. Cette dernière est pourtant essentielle.

Une information rapide des salariés sur les projets de l’entreprise leur permet d’en comprendre les enjeux, de prendre conscience de l’utilité de leurs élus mais également peut forcer la direction à s’expliquer davantage ou à revoir ses projets. Aussi, nous préconisons de ne pas attendre la diffusion du procès-verbal de la précédente réunion pour communiquer et que les CSE mettent en place des outils de communication spécifiques en fonction des projets pour lesquels ils sont consultés par exemple :

La diffusion de « flash info/minute CSE » relatif au
 projet ou sujet en question ;

La tenue de permanences ;

La tenue de réunions d’information du personnel.

Rappelons que sauf à ce que la direction invoque, à raison, l’obligation de discrétion prévue par l’article L. 2315-3 du Code du travail ou que la consultation contienne des informations confidentielles selon la loi (en application de l’article L2312-25), rien n’interdit aux membres du CSE d’informer les salariés sur des consultations en cours.

Pour conclure l’avis du CSE, constitue l’une des prérogatives les plus anciennes et importantes du comité et il appartient à ses membres de s’en saisir activement. L’occasion pour nous de vous rappeler que vous disposez de droits pour vous former sur ce thème.

 

 

Justin Saillard-Treppoz /Juriste – Responsable AURA 

 
 

 

 

 

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Mise à jour :mercredi 17 avril 2024
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