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La plume de l'alouette
Septembre 2017

Une fusion des instances à marche forcée

Le Comité social et économique(CSE) est mis en place dans les entreprises et établissements distincts d’au moins onze salariés.

Ses attributions varient selon la taille de l’entreprise :

  • dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE exercera les missions incombant aux délégués du personnel (DP), ainsi que dans une certaine limite, au CHSCT.
  • dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE concentrera, sous réserve d’aménagements non négligeables, les missions jusqu’à présent exercées par le CE, les DP et le CHSCT.

Une organisation et un mode de fonctionnement proches de celles du CE

Les membres de la délégation du personnel du CSE sont élus pour quatre ans et le nombre de mandats successifs est limité à trois (sauf si le protocole d’accord préélectoral prévoit le contraire).Les réunions du CSE sont organisées tous les mois dans les en­treprises d’au moins 300 salariés et tous les deux mois dans les entreprises présentant un effectif inférieur.

Le CSE comprend :

  • l’employeur, éventuellement assisté par 3 collaborateurs, au lieu de 2 jusqu’à présent ;
  • une délégation du personnel, comportant un nombre égal de titulaires et suppléants (en attente d’un décret) ;
  • un représentant désigné par chaque organisation syndicale représentative dans l’entreprise ou l’établissement ;
  • des intervenants externes sur les points de l’ordre du jour relatifs aux questions ayant trait à la santé, la sécurité et les conditions de travail.

En revanche, les suppléants ne participent plus aux réunions, sauf pour remplacer un titulaire absent. Autant dire que cela n’encouragera pas les vocations car le fait de ne participer à au­cune réunion, ni préparatoire, ni plénière, ne permettra pas aux suppléants de s’impliquer dans les dossiers ; d’autant qu’il faudra, bien souvent, remplacer un titulaire au pied levé. C’est pratique­ment impossible car mal vécu par les supérieurs hiérarchiques qui n’auront matériellement pas le temps nécessaire pour assu­rer le remplacement dans l’urgence de ces salariés et qui feront, donc, tout pour empêcher ceux-ci de quitter leur poste de travail.

Des heures de délégation à nouveau réduites ?

Le crédit d’heures de délégation des membres titulaires du CSE sera fixé par décret et ne pourra être inférieur à 10 heures par mois dans les entreprises de moins de 50 salariés et à 16 heures dans les autres entreprises.Par ailleurs, les modalités d’utilisation des heures de délégation sur une durée supérieure au mois seront définies par voie réglementaire. Enfin, un décret en Conseil d’Etat déterminera les conditions dans lesquelles les membres titulaires pourront, chaque mois, répartir, entre eux et avec les membres suppléants, le crédit d’heures dont ils disposent.

Attributions générales : faire vite !

Les décisions de l’employeur sont précédées par la consultation du CSE (sauf OPA). Les membres du CSE disposent à cet effet d’un délai d’examen suffisant, d’informations précises et écrites, de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations et de la possibilité de saisir le TGI lorsqu’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants.Un accord collectif ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le comité ou un décret en Conseil d’Etat, fixe les délais dans lesquels sont rendus les avis du comité.Dès lors que CE et CHSCT seront fu­sionnés et, partant du constat que la durée de la procédure du CE dépen­dait, entre autres, de la consultation ou non du CHSCT ou de l’ICCHSCT, la question se pose de savoir si le décret reprendra les dispositions antérieures à droit constant ou si cela ne sera pas l’occasion de réduire celles-ci encore un peu plus.

La suppression de l’actuelle disposition selon laquelle ce dé­lai ne peut être inférieur à quinze jours interroge sur les in­tentions du Gouvernement concernant les délais de consul­tation de cette instance, de faire en sorte que cette instance soit consultée dans des délais très courts, conduisant celle-ci à ne pas être en capacité de disposer de suffisamment de recul et de compléments d’informations pour examiner les projets qui lui seront soumis.

Consultations récurrentes : une périodicité plus souple

Le CSE est consulté sur :

  • 1. Les orientations stratégiques de l’entreprise
  • 2. La situation économique et financière de l’entreprise ;
  • 3. La politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Alors que ces consultations étaient jusqu’à présent organisées annuellement, un accord d’entreprise ou, en l’absence de délégué syndical, un accord entre l’employeur et le comité peut porter la périodicité des consultations récurrentes à 3 ans et définir par ailleurs le contenu, les modalités des consultations récurrentes ainsi que la liste et le contenu des informations nécessaires à ces consultations.

Il convient cependant de noter qu’en l’absence d’accord, la consultation sur la politique sociale de l’entreprise est conduite à la fois au niveau central et au niveau des établissements lorsque sont prévues des mesures d’adaptation spécifiques à ces derniers.

La BDES rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux consultations récurrentes que l’employeur met à la disposition du comité. Les consultations du CSE sur des événements ponc­tuels continuent de faire l’objet de l’envoi de ces rapports et informations.

Consultations ponctuelles : attention danger

Un article spécifique traite des consultations « ponctuelles » :

  • 1. Moyens de contrôle de l’activité des salariés mis en œuvre ;
  • 2. Restructuration et compression des effectifs ;
  • 3. Licenciement collectif pour motif économique ;
  • 4. Offre publique d’acquisition ;
  • 5. Les procédures de sauvegarde, de redressement et de liqui­dation judiciaire.
Attention
Cette énumération ne doit absolument pas être considérée comme limitative, les principes généraux d’information- consultation de l’instance concernant les projets concernant « la marche générale de l’entreprise » subsistant dans le texte relatif aux compétences et missions du CSE.

CSE et commission santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) : le glas du CHSCT ?

Une commission santé, sécurité et conditions de travail est créée au sein du comité :

  • les entreprises ou établissements distincts d’au moins 300 salariés ;
  • les établissements à risques.

Les membres de cette commission, au minimum trois, sont dési­gnés parmi les membres titulaires ou suppléants de la délégation du personnel du comité.L’inspecteur du travail peut, dans les entreprises et établissements distincts de moins de 300 salariés, imposer la création d’une telle commission lorsque cette mesure est nécessaire, notamment en raison de la nature des activités, de l’agencement ou de l’équipe­ment des locaux.

La commission intervient par délégation du CSE

Les membres de cette commission ou, le cas échéant, les membres de la délégation du personnel du comité, bénéficient de la formation nécessaire à l’exercice de leurs missions en ma­tière de santé, de sécurité et de conditions de travail. Leur finan­cement est pris en charge par l’employeur.

A noter
La dénomination de la commission ne reprend pas le terme « hygiène ».- Dans les entreprises de moins de 300 salariés fonctionnant en DUP nouvelle version (CE/DP/CHSCT), le CHSCT dispo­sait d’une place à part entière car il s’agissait d’une forme de cohabitation et non d’une fusion des instances. Ce n’est plus le cas avec le CSE. - Une rapide comparaison des textes actuels et futurs per­met de constater que les attributions de la commission SSCT sont plus réduites que celles de l’actuel CHSCT.

Budgets du CSE ou comment siphonner les budgets de fonctionnement

1. Le CSE assure, contrôle ou participe à la gestion des activités sociales et culturelles (ASC) établies dans l’entreprise. Pour ce faire, l’employeur lui verse chaque année une contribution dont les modalités de calcul sont définies par accord d’en­treprise. A défaut d’accord, le mode de calcul est identique à celui existant à ce jour et fonction de la masse salariale brute.

2. Pour assurer son propre fonctionnement, le CSE dispose d’un budget fixé comme suit :

  • 0,20% de la masse salariale brute, dans les entreprises de 50 à 2 000 salariés,
  • 0,22% de la masse salariale brute, dans les entreprises de plus de 2 000 salariés.

La masse salariale brute, servant de base pour procéder à la dé­termination de ces budgets, est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale.Le comité peut décider à la fin de l’exercice, par une délibération, de transférer tout ou partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement à la subvention destinée aux activités sociales et culturelles et inversement, de ce dernier vers le premier.

Compte tenu de la pression par­ticulièrement forte que peuvent exercer les salarié-e-s sur leurs représentants, soit pour pallier l’inexistence de budget dédié aux ASC dans de très nombreuses en­treprises, soit pour combler l’atonie de politique salariale, la non rémunération des heures supplé­mentaires ou la suppression des primes de 13ème mois ou d’ancien­neté, la tentation sera forte de procéder à une telle bascule et de vider ainsi le budget de fonction­nement au profit des ASC.

Rappelons à toutes fins utiles que :

  • Ce budget, jusqu’à présent utilisé pour assurer le fonctionne­ment du seul CE, doit désormais satisfaire aux besoins de 3 instances réunies ;
  • Le CSE peut décider de consacrer une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des dé­légués syndicaux de l’entreprise ;
  • Désormais, un certain nombre d’expertises jusqu’alors intégra­lement prises en charge par l’employeur, devront être financées par le comité, à hauteur de 20% des honoraires de la mission.

Autant dire que, sans procéder à la suppression des IRP, le projet du Gouvernement opère de manière beaucoup plus subtile en organisant sa mise à mort cérébrale. Faute de moyens suffisants, les CSE, mis en place dans les petites structures risquent de ne plus pouvoir exercer utilement leur mission, si les moyens ne sont pas augmentés par accord !C’est antinomique avec la volonté de promouvoir le dialogue so­cial dans toutes les entreprises. C’est accentuer encore un peu plus le fossé entre les salariés des petites structures et ceux des grandes entreprises. C’est contraire au nécessaire équilibre entre les parties, sauf à vouloir créer des tigres de papiers.

CSE et expertises : un droit inaccessible pour les plus pauvres à défaut d’accord

Le CSE peut décider de recourir à un expert dans le cadre des missions qui lui sont confiées.

Les frais d’expertise sont pris en charge :

  • par l’employeur concernant :- la consultation sur la situation économique et financière ;- la consultation sur la politique sociale, les conditions de tra­vail et l’emploi ;- la consultation sur un projet de licenciement collectif pour motif économique (licenciement de 10 salariés ou plus dans une même période de 30 jours) ;- lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à ca­ractère professionnel est constaté dans l’établissement.
  • par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20%, et par l’employeur, à hauteur de 80%, dans les autres cas et pour les consultations ponctuelles (notamment : consul­tation sur les orientations stratégiques, sur un projet impor­tant modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, droit d’alerte économique, opérations de concentration, OPA, accompagnement à la négociation d’un accord Préservation de l’emploi).

Il peut par ailleurs faire appel à toute expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.Le fait de demander au CSE de financer une grande partie des expertises sur son budget de fonctionnement conduira certains à faire l’impasse sur ce droit consubstantiel à cette instance.Cela créera une véritable rupture d’égalité entre les directions, qui ne regarderont pas à la dépense pour se faire accompagner par leurs conseils dans la préparation de leurs projets, et les membres du CSE, qui devront se passer des clés de compréhen­sion nécessaires à l’analyse de ces projets que peuvent leur ap­porter les experts.

Pour conclure

La limitation du nombre de mandats, la réduction du nombre de réunions mensuelles, déjà à l’œuvre depuis 2015 dans les structures en DUP, et l’absence des suppléants à ces réunions nuiront durablement à la qualité des travaux confiés au CSE. Le CSE dans le libellé actuel des textes et à défaut de meilleurs accords, porte en lui la déliquescence du dialogue social, comme la nuée porte l’orage.Dès l’instant où les élus n’auront plus accès aux informations essentielles concernant la vie et l’évolution de l’entreprise et qu’ils ne seront pas en capacité de les restituer avec leurs propres mots aux salariés, il ne faudra pas exiger de ces derniers qu’ils adhèrent aux projets de l’entreprise. D’un dialogue social supposé « vertueux », le projet du Gouvernement propose une feuille de route destinée à servir un troupeau de moutons, si l’on n’y prend pas garde.

par Olivier CADIC, Directeur département Conseil

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Mise à jour :mercredi 17 avril 2024
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